Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 octobre 2010, 08-43.171, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 7 mai 2008), que Mme X... a été embauchée le 26 septembre 2005 par la société Arieg'immo en qualité de négociateur immobilier ; qu'elle a été licenciée le 15 mars 2006 pour insuffisance de résultats et dispensée d'exécuter son préavis ; que le 20 mars 2006, elle a informé la société de son état de grossesse et a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande d'annulation de son licenciement ;

Attendu que la société Arieg'immo fait grief à l'arrêt d'annuler le licenciement de Mme X..., de retenir comme tardive la proposition de réintégration de la salariée et de condamner la société à lui verser diverses sommes, alors selon le moyen :

1°/ que si le licenciement notifié à une salariée qui n'a pas informé son employeur de son état de grossesse peut, au terme des dispositions de l'article L. 1225-5 ancien article L. 122-25-2, alinéa 2 du code du travail, être annulé si elle envoie à son employeur, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, un certificat médical justifiant de son état, ces dispositions qui participent de la protection d'ordre public des femmes enceintes, tend essentiellement à permettre la poursuite des relations contractuelles, en ouvrant exceptionnellement à l'employeur la possibilité de revenir sur une mesure qu'il a notifiée en ignorant de bonne foi l'état de grossesse de sa salariée ; que la cour d'appel qui, tout en constatant que le 21 mars 2006, soit le jour même où Mme X..., épouse Y..., enceinte depuis le 23 novembre 2005, avait averti son employeur de son état, elle lui avait indiqué qu'elle saisissait immédiatement la formation de référé du conseil de prud'hommes d'une demande tendant à obtenir, non sa réintégration, mais son indemnisation pour la nullité du licenciement qui lui avait été notifié de bonne foi, le 15 mars 2006, par la société Arieg'immo, ignorant alors son état, ce dont il résultait qu'elle n'avait jamais eu l'intention de poursuivre les relations contractuelles, a néanmoins conclu à la nullité du licenciement et, faute de demande de réintégration, à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre, a violé les articles R. 1225-1 ancien article R. 122-9 et L. 1225-5 ancien article L. 122-25-2, alinéa 2 du code du travail ;

2°/ qu'en retenant, pour condamner la société Arieg'immo à indemniser la salariée du fait de la nullité de la rupture, que l'offre de réintégration proposée deux mois après la notification de l'état de grossesse était tardive, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que Mme X..., épouse Y..., avait saisi le jour même où elle avait annoncé sa grossesse à son employeur la formation de référé du conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement sans réintégration, ce dont il résultait clairement qu'elle n'avait jamais souhaité que son employeur lui propose une mesure qui lui était indifférente puisqu'elle avait d'ores et déjà préféré l'indemnisation à l'exécution de sa prestation de travail, la cour d'appel a violé les articles R. 1225-1 ancien article R. 122-9 et L. 1225-5 ancien article L. 122-25-2, alinéa 2 du code du travail ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions de l'article L. 1225-5 du code du travail que le licenciement d'une salariée en état de grossesse est annulé lorsque, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur un certificat médical justifiant qu'elle est enceinte ; que si l'employeur, à la suite de la notification, revient tardivement sur sa décision de licencier, la salariée n'est pas tenue d'accepter la réintégration proposée ; que dans ce cas, la salariée a droit, outre les salaires qu'elle aurait perçus pendant la période couverte par la nullité, aux indemnités de rupture et à une indemnité au moins égale à six mois de salaire réparant intégralement le préjudice subi résultant du caractère illicite du licenciement ;

Et attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que Mme X... avait notifié à la société Arieg'immo son état de grossesse par lettre du 20 mars 2006 et que le 22 mars 2006, l'employeur lui avait indiqué qu'il s'adressait à son conseil juridique pour prendre une décision, qu'il n'était pas établi que l'employeur ait proposé de reprendre la salariée avant l'audience du 22 mai 2006 ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider que l'offre de réintégration proposée deux mois après la notification de l'état de grossesse était tardive ce qui ouvrait droit au paiement de diverses sommes, peu important que la salariée ait saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes dès le 20 mars 2006 aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement sans réintégration ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Arieg'immo aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour la société Arieg'immo.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir annulé le licenciement de Mme X..., épouse Y..., d'avoir retenu que la proposition de réintégration avait été tardive et d'avoir, en conséquence, condamné la Société ARIEG'IMMO à lui verser les sommes de 1.254,28 € au titre du préavis, de 1.033,11 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, de 9.076,82 € à titre de salaires, de 7.525,68 € à titre de réparation du licenciement illicite, de 1.748,69 € à titre d'indemnité de rupture du CNE et de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE le préavis est une obligation réciproque ; que l'inexécution de cette obligation par le salarié ouvre droit au profit de l'employeur à une indemnité compensatrice de préavis ; qu'il ne peut donc être utilement soutenu par l'employeur que le fait pour le salarié qui vient de recevoir une lettre de licenciement de demander à être dispensé de l'exécution du préavis est une preuve de sa volonté de démissionner ou d'accepter la rupture des relations contractuelles ; que les pièces produites à la procédure caractérisent seulement un accord intervenu entre les parties de ne pas effectuer le préavis ; qu'en toute hypothèse, la demande formulée en ce sens par Madame Aurélie X..., épouse Y... qui venait de recevoir notification de son licenciement est sans effet sur les dispositions de l'article L.122-25-2 du Code du travail et ne permet pas à la SARL ARIEG'IMMO de soutenir utilement que Madame Aurélie X..., épouse Y... a perdu, du seul fait qu'elle a été dispensée, à sa demande, d'effectuer son préavis, le bénéfice des dispositions protectrices sus-visées ; qu'en effet, l'envoi par Madame Aurélie X..., épouse Y... à la SARL ARIEG'IMMO, dans le délai de 15 jours suivant son licenciement, d'un certificat de grossesse, n'a pas eu pour effet de suspendre le licenciement pour lui faire prendre effet à l'issue de la période de protection, mais a entraîné sa nullité de plein droit, le licenciement n'étant pas fondé sur une faute grave non liée à l'état de grossesse ou sur l'impossibilité de maintenir le contrat ; que la SARL ARIEG'IMMO devait faire savoir aussitôt à Madame Aurélie X... épouse Y... qu'elle revenait sur sa décision et l'inviter à reprendre immédiatement son travail ; que lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à réintégration dans son emploi, ou à défaut, dans un emploi équivalent ; qu'il en résulte qu'en cas de licenciement d'une salariée en état de grossesse, nul en application de l'article L.122-25-2 du Code du travail, sa réintégration doit être ordonnée si elle le demande ;

ET QUE si l'employeur, en annulant spontanément et immédiatement le licenciement, accepte la réintégration de la salariée et lui enjoint de reprendre son travail, l'abstention de la salariée rend la rupture imputable à celle-ci ; qu'il faut réserver toutefois le cas où la proposition de réintégration est tardive : dans un tel cas de figure, la salariée n'est pas tenue d'accepter une réintégration tardivement proposée ; qu'en l'espèce, Madame Aurélie X..., épouse Y..., a régulièrement notifié à la SARL ARIEG'IMMO son état de grossesse par lettre du 20 mars 2006 notifiée le 21 mars 2006 et a saisi la formation des référés du Conseil de Prud'hommes de FOIX aux fins de voir prononcer la nullité sans réintégration ; que le 22 mars 2006, la SARL ARIEG'IMMO a, dans une réponse d'attente, indiqué s'adresser à son conseil juridique à l'effet de prendre une position ; qu'il n'est pas établi que la SARL ARIEG'IMMO a proposé de reprendre Madame Aurélie X..., épouse Y... avant l'audience du 22 mai 2006 ; qu'en effet, les conclusions de la SARL ARIEG'IMMO pour l'audience antérieure du 26 avril 2004 ne portent pas mention d'une telle offre puisqu'elles concluent au débouté et à l'existence d'une difficulté sérieuse ; qu'en conséquence, l'offre de réintégration proposée deux mois après la notification de l'état de grossesse est tardive et il ne peut être considéré, comme l'a décidé à tort le premier juge, que le refus de Madame Aurélie X..., épouse Y..., lui fait supporter la responsabilité de la rupture ;

ALORS, D'UNE PART, QUE si le licenciement notifié à une salariée qui n'a pas informé son employeur de son état de grossesse peut, au terme des dispositions de l'article L.1225-5 ancien article L.122-25-2, alinéa 2 du Code du travail, être annulé si elle envoie à son employeur, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, un certificat médical justifiant de son état, ces dispositions qui participent de la protection d'ordre public des femmes enceintes, tend essentiellement à permettre la poursuite des relations contractuelles, en ouvrant exceptionnellement à l'employeur la possibilité de revenir sur une mesure qu'il a notifiée en ignorant de bonne foi l'état de grossesse de sa salariée ; que la Cour d'appel qui, tout en constatant que le 21 mars 2006, soit le jour même où Mme Aurélie X..., épouse Y..., enceinte depuis le 23 novembre 2005, avait averti son employeur de son état, elle lui avait indiqué qu'elle saisissait immédiatement la formation de référé du Conseil de prud'hommes d'une demande tendant à obtenir, non sa réintégration, mais son indemnisation pour la nullité du licenciement qui lui avait été notifié de bonne foi, le 15 mars 2006, par la SARL ARIEG'IMMO, ignorant alors son état, ce dont il résultait qu'elle n'avait jamais eu l'intention de poursuivre les relations contractuelles, a néanmoins conclu à la nullité du licenciement et, faute de demande de réintégration, à la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à ce titre, a violé les articles R.1225-1 ancien article R.122-9 et L.1225-5 ancien article L.122-25-2, alinéa 2 du Code du travail ;

ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'en retenant, pour condamner la SARL ARIEG'IMMO à indemniser la salariée du fait de la nullité de la rupture, que l'offre de réintégration proposée deux mois après la notification de l'état de grossesse était tardive, alors qu'il ressortait de ses propres constatations que Mme X..., épouse Y..., avait saisi le jour même où elle avait annoncé sa grossesse à son employeur la formation de référé du Conseil de Prud'hommes aux fins de voir prononcer la nullité de son licenciement sans réintégration, ce dont il résultait clairement qu'elle n'avait jamais souhaité que son employeur lui propose une mesure qui lui était indifférente puisqu'elle avait d'ores et déjà préféré l'indemnisation à l'exécution de sa prestation de travail, la Cour d'appel a violé les articles R.1225-1 ancien article R.122-9 et L.1225-5 ancien article L.122-25-2, alinéa 2 du Code du travail.

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