Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 septembre 2010, 09-14.817, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2009) que, par acte sous seing privé du 22 mai 2003, la société Trianon gestion a promis de vendre à M. X... qui s'est réservé la faculté d'acquérir, un immeuble pour une durée expirant le 24 septembre 2003, sous la condition suspensive du non exercice par leurs titulaires respectifs du droit de préemption ; que, par arrêté du 2 septembre 2003, la commune de Villemoisson-sur-Orge a exercé ce droit ; que, le 4 novembre 2003, M. X... a saisi la juridiction administrative d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision de préemption ; que, par acte authentique du 27 novembre 2003, la société Trianon gestion a vendu l'immeuble à la commune qui, par acte authentique du même jour, l'a cédé à la Communauté d'agglomération du Val d'Orge ; que, par acte extrajudiciaire des 2, 3 et 4 juin 2004, M. X... a assigné la société Trianon gestion, la commune de Villemoisson-sur-Orge et la Communauté d'agglomération du Val d'Orge en annulation de ces deux ventes et en paiement de dommages-intérêts ; que, par jugement du 8 juin 2004, devenu irrévocable, la juridiction administrative a annulé la décision de préemption de la commune ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de nullité des ventes du 27 novembre 2003 entre la société Trianon gestion et la commune de Villemoisson-sur-Orge et entre cette commune et la Communauté d'agglomération du Val d'Orge, alors, selon le moyen :

1°/ qu'ayant constaté que la décision de préemption du bien prise par la collectivité publique avait été irrévocablement annulée par le juge administratif de l'excès de pouvoir de sorte que cette décision de préemption était rétroactivement anéantie et était réputée n'être jamais intervenue, il appartenait aux juges judiciaires de restituer à l'acquéreur illégalement évincé la totalité des droits qu'il tenait de l'avant-contrat qu'il avait conclu avec le vendeur initial ; que la cour d'appel, en privant cet acquéreur évincé de son droit d'obtenir l'annulation des contrats de vente subséquents conclus en violation des droits qu'il tenait de l'avant-contrat, a violé par fausse application les articles 1134 et 1176 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que les parties à l'avant contrat n'avaient convenu que d'une condition suspensive visant l'hypothèse de l'exercice, par la puissance publique, d'un droit de préemption ; que la nullité de l'acte de préemption irrévocablement constatée erga omnes emporte nécessairement l'effacement rétroactif du contrat de vente conclu subséquemment à cet acte de préemption et la remise des choses en leur état antérieur de sorte que M. X... est redevenu bénéficiaire de la promesse qui lui avait été originellement consentie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 32 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ;

3°/ qu'en statuant par ce motif inopérant tiré de ce que M. X... n'avait pas levé l'option après que lui ait été notifiée la décision d'exercice du droit de préemption, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si, par l'effet de l'annulation rétroactive de la décision de préemption, la condition suspensive du non exercice du droit de préemption s'était réalisée, M. X... n'avait pas levé l'option, la cour d'appel a exactement retenu que la promesse était devenue caduque, de sorte que celui-ci ne disposait d'aucun droit à l'annulation de la vente ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille dix.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de Monsieur David X... tendant à titre principal à dire nulle et de nul effet la vente réitérée par acte authentique en date du 27 novembre 2003 entre la SARL Trianon Gestion et la commune de Villemoisson-sur-Orge portant sur les biens immobiliers cadastrés section AE 684, AE 685 et AE 686 sis ... à Villemoisson-sur-Orge et dire de nul effet, par voie de conséquence, la vente conclue par acte authentique du même jour entre la commune de Villemoisson-sur-Orge et la communauté d'agglomérations du Val d'Orge portant sur les biens immobiliers cadastrés section AE 684, AE 685 et AE 688, sis ... à Villemoisson-sur-Orge,

Aux motifs propres et adoptés des premiers juges, que si, par l'effet de l'annulation rétroactive de la décision de préemption, la condition suspensive du non exercice du droit de préemption s'est trouvée réalisée, cependant, au 24 septembre 2003, Monsieur X... n'a pas levé l'option ; qu'à cet égard, les procédures administratives et judiciaires intentées par le bénéficiaire ne peuvent être assimilées à la levée d'option dans les conditions contractuelles qui viennent d'être rappelées ; que cette levée d'option n'a pas été rendue impossible par l'exercice du droit de préemption et ce d'autant que le bénéficiaire a exercé un recours contre la décision de préemption et qu'il lui appartenait donc de préserver les droits qu'il tirait de la promesse de vente ; qu'à supposer, surabondamment, que le recours contre la décision de préemption ait suspendu le délai de levée de l'option, celle-ci devait être levée dès notification à M. X... de l'arrêt du 18 mai 2006 rejetant l'appel de la commune de Villemoisson-sur-Orge contre le jugement du 8 juin 2004 ayant annulé la décision de préemption ; que, force est de constater qu'à ce jour, M. X... n'a pas levé l'option ; que la promesse de vente était soumise à la condition suspensive, stipulée en faveur du promettant et du bénéficiaire, « du non exercice par leur titulaire respectif des droits de préemption qui pourraient être révélés par la note de renseignements d'urbanisme prévue par la circulaire numéro 73.216 du 31 décembre 1973, dont la demande devra être effectuée dans les huit jours des présentes par le promettant, ou qui résulteraient de la situation locative.
Le promettant s'oblige à faire toute diligence pour la purge de ces droits et donne tous pouvoirs à Maître Jean Y..., notaire susnommé, pour établir et signer toutes déclarations d'intention d'aliéner. La saisine, par un titulaire du droit de préemption d'une juridiction aux fins de modification des conditions de la vente sera considérée comme entraînant la non-réalisation de la condition suspensive, au même titre que l'exercice pur et simple du droit de préemption » ; que d'abord, il ne résulte pas de cette clause que les parties aient entendu subordonner la réalisation de la promesse au sort d'une éventuelle procédure d'annulation devant la juridiction administrative auquel l'acte ne fait aucune allusion ; qu'ensuite, la mention relative à la purge des droits de préemption est faite par référence aux délais très stricts dans lequel l'exercice de ces droits sont insérés ; qu'enfin, par la mention relative à la saisine d'une juridiction par le seul titulaire du droit de préemption, les parties se sont bornées à prévoir les effets d'une telle saisine sur la promesse, à savoir sa caducité ; qu'ainsi, aucune stipulation de la promesse ne vient faire échec à la clause de caducité précitée qui y a été insérée ; qu'en conséquence, à défaut d'option du bénéficiaire, la promesse est caduque de sorte que M. X... ne dispose d'aucun droit à l'annulation des actes de vente du 27 novembre 2003, peu important que ceux-ci, dont l'appelant requiert l'annulation, le qualifie de manière erroné « d'acquéreur évincé » ; que, dès lors, le jugement entrepris sera confirmé ;

Alors, d'une part, que, ayant constaté que la décision de préemption du bien prise par la collectivité publique avait été irrévocablement annulée par le juge administratif de l'excès de pouvoir, de sorte que cette décision de préemption était rétroactivement anéantie et était réputée n'être jamais intervenue, il appartenait aux juges judiciaires de restituer à l'acquéreur illégalement évincé la totalité des droits qu'il tenait de l'avant-contrat qu'il avait conclu avec le vendeur initial ; que la Cour d'appel, en privant cet acquéreur évincé de son droit d'obtenir l'annulation des contrats de vente subséquents conclus en violation des droits qu'il tenait de l'avant-contrat, a violé par fausse application les articles 1134 et 1176 du Code civil, ensemble l'article 31 du Code de procédure civile ;

Et alors de deuxième part, qu'il résulte des propres énonciations de l'arrêt attaqué que les parties à l'avant contrat n'avaient convenu que d'une condition suspensive visant l'hypothèse de l'exercice, par la puissance publique, d'un droit de préemption ; que la nullité de l'acte de préemption irrévocablement constatée erga omnes emporte nécessairement l'effacement rétroactif du contrat de vente conclu subséquemment à cet acte de préemption et la remise des choses en leur état antérieur de sorte que Monsieur X... est redevenu bénéficiaire de la promesse qui lui avait été originellement consentie ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 32 du Code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel ce qui est nul est réputé n'avoir jamais existé ;

Et alors qu'en statuant par ce motif inopérant tiré de ce que Monsieur X... n'avait pas levé l'option après que lui ait été notifiée la décision d'exercice du droit de préemption, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

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