Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 26 janvier 2005, 04-83.972, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle VUITTON, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Philippe,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2004, qui, pour faux et blanchiment, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 441-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt, statuant sur l'opposition formée par Jean-Philippe X..., l'a déclaré coupable de faux par l'établissement de trois bulletins de salaire au profit d'Abdelkader Y... et a statué sur l'action publique ;

"aux motifs adoptés que s'agissant de faux documents, il apparaissait qu'Abdelkader Y... avait demandé à Jean-Philippe X... de lui fournir trois faux bulletins de salaire d'un montant mensuel de 12 000 francs afin de permettre à Abdelkader Y... d'obtenir un appartement en location alors qu'il ne disposait d'aucun revenu ; que lors des débats, Jean-Philippe X... a indiqué qu'il avait fait croire à Abdelkader Y... qu'il allait lui fournir ces attestations, tel que cela ressort des écoutes téléphoniques, mais que finalement il ne les établissait pas, Abdelkader Y... récupérait alors à son insu à son domicile un ancien bulletin de paie de son épouse qu'il modifiait et en établissait trois exemplaires ; qu'Abdelkader Y... confirmait cette version ; que cependant cette version ne peut être que fantaisiste ; qu'il apparaît que ces trois bulletins bizarrement correspondent au salaire mensuel de 12 000 francs par mois tel que réclamé par Abdelkader Y... et qui apparaît sur une écoute téléphonique ; qu'il apparaît également sur ces bulletins un total cumulé de l'année, qui varie selon les mois, ce qui est incompatible avec la version d'Abdelkader Y... qui indique n'avoir pris qu'un bulletin et l'avoir reproduit ; que seul Jean-Philippe X..., qui semble craindre également qu'Abdelkader Y..., ait pu réaliser ces documents, Abdelkader Y... ne disposant quant à lui d'aucune connaissance comptable lui permettant d'établir ces bulletins ;

"et aux motifs propres que, à juste titre et pour des motifs pertinents que la Cour adopte, le tribunal a retenu la culpabilité de Jean-Philippe X... nonobstant l'absence de preuve de son assistance à des transactions de drogue, et de conversations faisant état de sa connaissance d'un trafic de stupéfiants ; il suffit de relever en effet qu'Abdelkader Y... a été condamné définitivement à la peine de 5 ans d'emprisonnement pour trafic de stupéfiants et usage de faux en écriture, de considérer les relations fréquentes entre lui et Jean-Philippe X... par l'intermédiaire de Bernard Ober, escroc notoire, pour la transaction concernant l'immeuble à Metz et l'établissement de fausses attestations, l'importance de la somme versée en liquide de manière occulte par Abdelkader Y..., étudiant vivant dans le quartier de Borny, pour être convaincu du fait que Jean-Philippe X..., professionnel de l'immobilier, ne pouvait pas ne pas ignorer que les fonds provenaient du trafic de drogue, conviction confirmée par fiches de salaire à son nom, la culpabilité de ce dernier du chef de faux en écriture privée résultant du fait qu'Abdelkader Y... ne disposait d'aucune connaissance comptable lui permettant d'établir ces bulletins ;

"alors, d'une part, que tout prévenu étant présumé innocent, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante ; qu'en déclarant le prévenu coupable de faux sur le seul fondement de ce que Abdelkader Y..., qui soutenait avoir lui-même créé les faux, ne disposait d'aucune connaissance comptable lui permettant d'établir les bulletins de salaire litigieux, les juges du fond ont violé la présomption d'innocence ;

"alors, d'autre part, que seuls peuvent constituer le délit de faux, les faits de création d'un écrit valant titre, c'est-à-dire d'un écrit constituant la preuve d'un droit ou d'un fait créateur de droits opposables aux tiers ; que des bulletins de salaire ne constituent pas, par eux-mêmes, la source ou la preuve d'un droit quelconque ni la preuve d'un fait générateur de droits opposables aux tiers ;

qu'ainsi, la présentation de bulletins de salaire à un propriétaire offrant un appartement à la location n'entraîne pas ipso facto le droit à la location ; qu'en retenant le prévenu dans les liens de la prévention du chef de faux en écritures privées, la Cour a violé les textes visés au moyen ;

"alors, enfin, que, aux termes de l'article 441-1 du Code pénal, applicable à tous les faux, l'altération de la vérité n'est punissable que si elle est de nature à causer un préjudice ; qu'en l'espèce, les juges du fond se sont abstenus de constater l'existence de cet élément constitutif du délit qu'ils ont réprimé ;

qu'ainsi, leur décision est entachée d'un manque de base légale" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 222-38 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt, statuant sur l'opposition formée par Jean-Philippe X... à un précédent arrêt, l'a déclaré coupable de blanchiment de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants imputé à Abdelkader Y... et a statué sur l'action publique ;

"aux motifs adoptés que, bien que Jean-Philippe X... ait indiqué méconnaître les activités illicites d'Abdelkader Y... et précisé le connaître depuis peu, il n'hésitait pas à effectuer une opération immobilière avec un financement occulte versé en espèce, ce qu'il n'ignorait pas ; que de même, s'il avait été certain du caractère non douteux du financement, il n'aurait pas exigé comme garantie le versement des sommes dans une banque dont il connaissait le directeur, sachant que ce dernier vérifierait les versements et éventuellement oublierait de signaler comme il en a l'obligation légale, les versements en liquide effectués ;

qu'effectivement, il ne ressort pas du dossier d'éléments qui permettraient d'affirmer que Jean-Philippe X... ait assisté à des transactions de drogue et des écoutes, il n'apparaît pas de conversations faisant état de la connaissance par Jean-Philippe X... d'un trafic de stupéfiants ; que cependant, au vu de l'importance du trafic, des relations fréquentes qu'ils ont eu pour cette transaction et pour l'établissement de fausses attestations, de l'importance de la somme versée en liquide de manière occulte par Abdelkader Y..., simple étudiant vivant dans le quartier de Borny, Jean-Philippe X..., professionnel de l'immobilier ne pouvait pas ne pas ignorer non seulement l'origine douteuse des fonds mais que ceux-ci provenaient du trafic de drogue ;

"alors que le blanchiment de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants est un délit intentionnel qui suppose que soit constatée la connaissance du prévenu de l'origine des fonds ; que ni le jugement, ni l'arrêt, qui constatent l'absence de preuve du prévenu des activités de trafic de stupéfiants par Abdelkader Y..., n'ont caractérisé l'élément intentionnel du délit de blanchiment de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants" ;

Les moyens étant réunis :

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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