Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 juin 2011, 10-10.955, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde du 1er avril 2004 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X... est employé de la société Château Margaux dont l'activité est soumise à la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde ; qu'ayant réclamé en vain l'octroi d'un jour de repos supplémentaire au titre du jeudi de l'Ascension qui, en 2008, a coïncidé avec le 1er mai, il a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale ;

Attendu que pour accueillir la demande du salarié, l'arrêt du 24 novembre 2009 retient que les jours fériés dont la convention collective prévoit le chômage sont au nombre répertorié de onze dans l'année, que la circonstance calendaire de la coïncidence du 1er mai et de l'Ascension ne permet pas à l'employeur de retenir un jour de repos aux salariés concernés, leur nombre étant un droit conventionnel effectivement acquis et que dès lors, cette coïncidence induit nécessairement pour l'employeur l'obligation d'accorder un jour de congé supplémentaire ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors que l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde du 1er avril 2004, qui se borne à reprendre la liste des jours fériés légaux et à prévoir que "Tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise..." n'instaure aucun droit à un jour de congé ou de repos supplémentaire lorsque, par exception, deux jours fériés coïncident, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a retenu la compétence de la formation de référé, l'arrêt rendu le 24 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de M. X... tendant à l'octroi d'un jour de repos en compensation de la coïncidence du 1er mai 2008 avec le jeudi de l'Ascension ;

Condamne M. X... aux dépens devant la Cour de cassation et les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Château Margaux ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Château Margaux

Il est fait grief à la décision attaquée du 24 novembre 2009 d'AVOIR ordonné à la SCA Château Margaux d'accorder un jour de congé supplémentaire à Monsieur X... en application de l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde ;

AUX MOTIFS QUE « le premier juge a estimé que l'action de M. X... ne relevait pas d'une situation prévue par les articles 1455-5 et suivants du Code du travail ; Ceci étant le salarié fonde sa demande sur les dispositions générales du Code du travail sur celles de la convention collective applicable sur une note de la direction générale du travail et sur une jurisprudence qu'il estime transposable au cas d'espèce. Les dispositions du Code du travail en question sont les suivantes : >article L. 3133-1 du Code du travail, "Les fêtes légales ci-après sont des jours fériés : …/… 4° - le 1er mai, 5° - l'ascension…/… ; > article L. 3133-2 : les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne donnent pas lieu à récupération ; > article L. 3133-3 : le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire, etc. ; > article L. 3133-4 : le 1er mai est jour férié et chômé ; > article L. 3133-5 : le chômage du 1er mai ne peut être une cause de réduction du salaire ; Les salaires rémunérés à l'heure, à la journée ou rendement ont droit à une indemnité (à la charge de l'employeur) égale au salaire perdu du fait de ce chômage ; > article L. 3133-6 : dans les services ne pouvant interrompre le travail les salariés occupés le 1er mai ont droit en plus du salaire correspondant au travail occupé à une indemnité (à la charge de l'employeur) égale au montant de ce salaire ; > article R. 3135-4 : le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 3133-4 à L. 3133-6 relatives à la journée du 1er mai est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4°classe ; Les dispositions de la convention collective sont les suivantes : "article 47 : jours fériés - Les jours fériés légaux applicables en agriculture sont ceux prévus à l'article L. 222-1 du code du travail : 1er janvier, 14 juillet, lundi de Pâques, assomption, 1er mai, Toussaint, 8 mai, 11 novembre, ascension, jour de noël, lundi de Pentecôte. Tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise sous condition que le salarié soit présent les jours travaillés qui encadrent le jour férié. Cette condition ne s'applique pas : 1°) en cas de "pont" demandé par le salarié et accordé par l'employeur avec possibilité de récupération du "pont" ; 2°) en cas de congés payés du salarié, déjà prévus ; 3°) en cas d'absence du salarié décidée par l'employeur ou préalablement accordée. Pour les salariés mensualisés, soit sur temps partiel, soit sur la durée légale, soit mensualisés sur un horaire supérieur comprenant des heures supplémentaires rentrant dans l'horaire hebdomadaire normal, le repos pris au cours des jours fériés n'entraînera aucune réduction du salaire mensuel habituel. Le salarié non mensualisé bénéficie d'une indemnité égale au produit du nombre d'heures de travail perdues du fait du jour férié chômé par le montant de son salaire horaire de base." ; La note de la direction générale du travail indique (extrait) : "Conséquence de la coïncidence de deux jours fériés en 2008, jeudi de l'ascension et 1er mai, le salarié devra bénéficier, si la convention collective applicable à l'entreprise fait état de l'Ascension, d'un jour de repos supplémentaire au titre de ce jour férié ". Le salarié fonde également sa demande sur la lettre du 19 mai 2008 de l'inspecteur du travail compétent qui a invité la société du château Margaux à prendre ses dispositions compte tenu de cette situation qui lui a été rappelée, à la demande des représentants du personnel ; l'inspecteur du travail indiquant "les salariés doivent bénéficier d'un jour de repos supplémentaire dans l'année". L'employeur a réitéré son refus lors du comité d'entreprise du 4 juillet 2008 nonobstant les indications ci-dessus ; En considération de ce corpus, il convient de retenir que les dispositions légales relatives au 1er mai sont d'ordre public, qu'elles ont un caractère autonome ne se confondant pas avec une autre disposition et que la coïncidence avec un autre jour férié doit être appréciée dans la seule acception de ce dernier ; Les dispositions des conventions collectives (article L. 2251 -1 du Code du travail) peuvent être plus favorables que les dispositions légales, mais ne peuvent déroger aux dispositions revêtant un caractère d'ordre public ; La violation des règles sur le droit au repos, conséquence nécessaire des dispositions rappelées ci-dessus est constitutive d'un trouble manifestement illicite ; La compétence du juge des référés pour faire cesser un trouble manifestement illicite (par application de l'article R. 1455-6 du Code du travail) doit trouver application dans toutes les circonstances ou avec une évidence et une incontestabilité suffisante, une atteinte est portée au respect des textes ou des décisions administratives de manière unilatérale ; dans la situation en cause, l'entreprise ne pouvait se dégager de son propre chef, hors intervention du juge ou du processus d'interprétation de la convention, des règles en question, sauf à vider ces règles de tout contenu et de consacrer anormalement dans les rapports sociaux conventionnels fondés sur la négociation collective la seule décision unilatérale. C'est donc à tort que le premier juge en présence d'une contestation d'une décision patronale manifestement contraire aux prescriptions ci-dessus a cru décliner la compétence qui lui était attribuée pour vérifier si elle ne constituait pas un trouble manifestement illicite notamment en considération du droit d'action ouvert au salarié par l'article L 2262-12 du Code du travail ; En effet le 1er mai est un jour férié et chômé et ne peut en lui même faire l'objet d'aucune compensation ni être l'occasion d'une perte de salaire ; au surplus, la convention prévoit que tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré (ici un jeudi), lesquels sont au nombre répertorié de 11 dans l'année (article 47 de la convention ci-dessus rappelée "in extenso") ; La circonstance calendaire de la coïncidence du 1er mai et de l'ascension (jours fériés et chômés autonomes entre eux ne permet pas à l'employeur de retenir un jour de repos aux salariés concernés, leur nombre étant un droit conventionnel effectivement acquis, sauf à priver la convention de sens, en considération des dispositions des articles 1134 et 1156 et suivants du Code civil ; Dès lors, cette coïncidence induit nécessairement pour l'employeur l'obligation d'accorder un jour de congé supplémentaire aux salariés bénéficiaires de cette convention afin de les remplir de leurs droits au repos que la convention a ainsi institutionnalisé, le 1er mai en tant que tel devant être légalement disjoint du calcul comme indiqué ci-dessus ; Ici l'ascension tombe un jour normalement ouvré, un jeudi, c'est un jour férié, chômé, payé, cette disposition est conventionnellement acquise au salarié ; Le refus de remplir cette obligation aurait en effet pour conséquence de violer les prescriptions rappelées ci-dessus sur le 1er mai dont l'application doit rester autonome, dans le même temps qu'il contreviendrait au texte de la convention qui ne peut souffrir d'aucune interprétation, son texte en étant parfaitement clair sur le droit à congé des salariés pour chaque fête qu'il détermine et dans leur nombre qu'il retient ; C'est donc, ajuste raison que M. X... sollicite de la juridiction des référés qu'il soit enjoint à son employeur de lui accorder un jour de congé en application de l'article 47 de la convention collective qui lie les intéressés » ;

1) ALORS QUE l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde énonce que « tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise » ; que le 1er mai est un jour normalement chômé et payé par application de l'article L.3133-4 et L.3133-5 du Code du travail ; que, dès lors, la circonstance que le jeudi de l'Ascension tombe un 1er mai, c'est-à-dire un jour qui n'est pas normalement ouvré, mais qui est au contraire légalement chômé et payé dans l'entreprise, exclut l'octroi d'un jour chômé et payé au titre de l'ascension ; qu'en affirmant le contraire, la Cour d'Appel a violé l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde, ensemble les articles L.3133-4 et L.3133-5 du Code du travail ;

2) ALORS QUE l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde prévoit que « les jours fériés légaux applicables en agriculture sont ceux prévus à l'article L.222-1 du Code du travail » avant d'en rappeler simplement la liste et d'affirmer que « tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise sous condition que le salarié soit présent les jours travaillés qui encadrent le jour férié » ; qu'ainsi, il n'est pas institué un droit à 11 jours fériés chômés et payés par an, leur nombre étant moindre lorsque l'un au moins ne tombe pas un jour normalement ouvré ; qu'en affirmant en l'espèce que le nombre de jours fériés payés était répertorié et fixé à 11 dans l'année, et constituait un droit conventionnel effectivement acquis, pour retenir que la coïncidence du jeudi de l'Ascension et du 1er mai ouvrait droit à un jour chômé payé supplémentaire, la Cour d'Appel a violé l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde, ensemble les articles L.3133-3 et L.3133-4 du Code du travail ;

3) ALORS QUE le Code du travail prévoit seulement que le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés ; que dès lors, les salariés ayant conventionnellement droit au chômage des jours fériés ne peuvent prétendre au bénéfice d'un jour de repos supplémentaire en cas de coïncidence de deux jours fériés, comme le 1er mai et le jeudi de l'Ascension, à moins que la convention collective applicable ne prévoit un repos compensateur supplémentaire lorsqu'un jour férié coïncide avec un jour de repos ou avec un autre jour férié ; que l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde dispose seulement que « tous les jours fériés sont chômés et payés lorsqu'ils tombent un jour normalement ouvré dans l'entreprise » ; qu'aucun repos compensateur supplémentaire n'est donc prévu en cas de coïncidence entre un jour férié et un jour de repos ou un autre jour férié ; qu'en affirmant en l'espèce que cette coïncidence induit nécessairement pour l'employeur l'obligation d'accorder un jour de congé supplémentaire aux salariés bénéficiaires de cette convention, la Cour d'Appel a violé l'article 47 de la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde, ensemble les articles L.3133-3 et L.3133-4 du Code du travail ;

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