Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 mars 2011, 09-65.433, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 janvier 2009), que M. X... a été engagé en qualité de mécanicien-ajusteur par la société EIS intérim pour une mission de travail temporaire en Allemagne du 13 au 30 juin 2005, un second contrat ayant été conclu entre les parties pour la période du 1er au 10 juillet 2005 ; que le salarié, soutenant qu'il n'y avait pas eu de contrats de mission écrits, a saisi la juridiction prud'homale en demandant la requalification de son contrat de travail ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de refuser de requalifier les contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée, alors, selon le moyen :

1°/ que la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié est une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée ; qu'en refusant cette requalification au motif que l'absence de signature du contrat de travail était imputable au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 124-4, alinéas 1er à 9, devenu, L. 1251-16 et L. 1251-17 et L. 125-3, devenu, L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

2°/ qu'en tout état de cause, la bonne foi est présumée ; qu'en déduisant de la seule circonstance de ce que le salarié avait reçu un exemplaire du contrat et ne l'avait pas renvoyé signé à l'employeur, qu'il était de mauvaise foi, sans relever aucune circonstance dont aurait pu se déduire la volonté et la conscience d'omettre cette formalité d'ordre public, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

3°/ qu'en tout état de cause, il incombe à l'employeur qui se refuse au paiement d'un salaire d'établir que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition, et a refusé d'effectuer les tâches qui lui étaient demandées ; que dès lors, en déduisant du seul fait que M. X... avait effectué un stage qu'il ne s'était pas tenu à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a derechef violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que la fraude corrompt tout ; que si la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié afin de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, a le caractère d'une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée, il en va autrement lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de mission dans une intention frauduleuse ;

Et attendu que la cour d'appel qui, par motifs propres et adoptés, a relevé que M. X... s'est sciemment abstenu de retourner signés, malgré plusieurs relances, les deux contrats de mission qui lui avaient été adressés dans le but de se prévaloir ultérieurement de l'irrégularité résultant du défaut de signature, ses protestations sur le contenu des contrats ne datant que de la fin juillet 2005,en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu'il n'y avait pas lieu à requalification ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes de M. X... tendant à la requalification de son contrat de travail intérimaire en contrait de travail à durée indéterminée et au paiement de diverses rémunérations et indemnités ;

AUX MOTIFS QU'il est constant que les deux contrats de mission temporaire respectivement du 13 au 30 juin 2005 puis du 1er au 10 juillet 2005 n'ont pas été signés par le salarié de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme ayant été établis par écrit et sont, par suite, réputés conclus pour une durée indéterminée ; QUE toutefois il ressort de l'attestation de M. Jean-Luc Y..., directeur de l'agence de Haguenau, que M. X... a demandé que le premier contrat lui soit adressé à son domicile pour qu'il le signe parce qu'il ne souhaitait pas se déplacer à Haguenau ; QUE ce témoin ainsi que Mme Denise Z..., secrétaire de l'agence, attestent de ce qu'un exemplaire du contrat lui a été envoyé par la poste mais que ce dernier ne l'a jamais retourné à l'employeur signé malgré plusieurs relances ; QUE dans le même temps, il a exécuté sa mission et ce n'est que tardivement, par lettre recommandée reçue le 28 juillet 2005 par l'employeur, qu'il a protesté contre certaines modalités de son contrat et invoqué le fait qu'en l'absence de contrat signé, il pouvait se considérer comme embauché par un contrat de travail à durée indéterminée par l'entreprise ; QUE cette chronologie des faits démontre que le salarié a sciemment créé cette situation pour pouvoir en tirer parti ; QUE nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en requalification des contrats de mission temporaire en contrat de travail à durée indéterminée, en paiement de l'indemnité de requalification et des salaires jusqu'au mois de mars 2008 ; QUE surabondamment, même à considérer que les contrats de mission litigieux devraient être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, l'employeur pourrait opposer l'exception d'inexécution au salarié qui ne s'est pas tenu à sa disposition à compter du 12 juillet 2005 ; QUE bien au contraire il ressort d'une attestation de fin de stage de l'Afpa Région Alsace qu'à compter du 22 août 2005 et jusqu'au 28 juillet 2006, il a suivi un stage de formation continue à Mulhouse, nécessairement incompatible avec l'exécution de missions pour le compte de l'employeur ; QUE dans ces conditions que celui-ci aurait été en droit de suspendre le paiement des salaires à M. X... et solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;

1) ALORS QUE la signature d'un contrat écrit, imposée par la loi dans les rapports entre l'entreprise de travail temporaire et le salarié est une prescription d'ordre public dont l'omission entraîne à la demande du salarié la requalification en contrat de droit commun à durée indéterminée ; qu'en refusant cette requalification au motif que l'absence de signature du contrat de travail était imputable au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 124-4, alinéas 1er à 9, devenu, L. 1251-16 et L. 1251-17 et L. 125-3, devenu, L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail ;

2) ALORS QUE, en tout état de cause, la bonne foi est présumée ; qu'en déduisant de la seule circonstance de ce que le salarié avait reçu un exemplaire du contrat et ne l'avait pas renvoyé signé à l'employeur, qu'il était de mauvaise foi, sans relever aucune circonstance dont aurait pu se déduire la volonté et la conscience d'omettre cette formalité d'ordre public, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;

3) ET ALORS QU'en tout état de cause, il incombe à l'employeur qui se refuse au paiement d'un salaire d'établir que le salarié ne s'est pas tenu à sa disposition, et a refusé d'effectuer les tâches qui lui étaient demandées ; que dès lors, en déduisant du seul fait que M. X... avait effectué un stage qu'il ne s'était pas tenu à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a derechef violé l'article 1315 du code civil.

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