Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 juin 2009, 08-12.699, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 15 novembre 2007), que, le 22 octobre 1992, les époux X... ont signé en l'étude de M. Y..., notaire, un acte par lequel ils se sont portés acquéreurs d'un immeuble à usage d'habitation appartenant en indivision à MM. François et Lucien Z..., MM. Jean-François A... et André A... et Mmes Marie-Louise et Liliane A... (les consorts Z...- A...) ; que l'acte, qui mentionnait comme vendeurs tous les indivisaires, n'a été signé que par trois d'entre eux, les trois autres n'étant ni présents ni représentés ; que les consorts Z... ayant assigné les époux X..., qui avaient pris possession des lieux, en expulsion et en paiement d'une indemnité d'occupation, ceux-ci ont appelé en garantie le notaire ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour débouter les époux X..., condamnés au paiement d'une indemnité d'occupation, de leur action en garantie contre le notaire, l'arrêt retient que l'acte de vente mentionnait chacun des coïndivisaires, que les acquéreurs avaient pu constater lors de la signature de l'acte que tous n'étaient pas présents et que ni le notaire ni ceux présents n'avaient reçu pouvoir de les représenter et de signer l'acte pour eux, qu'ils étaient informés de la difficulté relative à cette vente et de la nécessité d'obtenir la signature des autres coïndivisaires et qu'il résulte par ailleurs du courrier du 25 mars 1998 que leur a adressé le notaire que ce dernier leur a transmis une proposition des propriétaires en attirant leur attention sur les difficultés de leur situation et en leur conseillant de l'étudier avec leur avocat ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le notaire n'avait pas recueilli le consentement et la signature de tous les vendeurs indivis mentionnés dans l'acte, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leur appel en garantie et de l'ensemble de leurs prétentions subséquentes formées à l'encontre de M. Y... et les a condamnés à payer à celui-ci la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 15 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boutet, avocat aux Conseils pour les époux X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les époux X... sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble situé... à compter d'octobre 1992, D'AVOIR ordonné leur évacuation sous astreinte de 50 par jour, D'AVOIR condamné les époux X... à payer aux consorts Z... la somme de 58. 540, 47 à titre d'indemnité d'occupation pour la période d'octobre 1992 à novembre 2003 inclus et de les AVOIR condamnés à payer aux consorts Z...- A... une indemnité d'occupation mensuelle de 600 à compter du 1er janvier 2004 ;

AUX MOTIFS QUE, le 22 octobre 1992, les époux X... ont signé en l'étude de Maître Y... un acte par lequel ils se sont portés acquéreurs au prix de 240. 000 francs d'un immeuble à usage d'habitation sis à ALGRANGE, appartenant à l'indivision Z...- A... ; que trois d'entre ces derniers ont refusé de signer l'acte de vente ; qu'il résulte de diverses décisions que les époux X... sont occupants sans droit ni titre de l'immeuble litigieux, l'ensemble des indivisaires n'ayant jamais consenti ni à la vente ni à l'occupation des lieux et eux-mêmes n'ayant jamais acquitté le prix ni une quelconque avance sur ce prix ; que dès la signature de l'acte en 1992, les époux X... savaient que la vente de l'immeuble nécessitait la signature de tous les propriétaires y figurant et qu'un désaccord existait entre eux à cette vente ainsi qu'en témoigne la procédure engagée en 1994 par laquelle ils n'ont pas revendiqué la propriété de la maison mais uniquement celle de parts et n'ont assigné que deux des propriétaires indivis ; que les époux X... savaient donc qu'ils ne pouvaient occuper les lieux compte tenu du contentieux existant et de l'expulsion déjà demandée lors de la procédure précédente ; que les époux X... ne peuvent prétendre que la vente n'a pas pu se réaliser du fait du vendeur puisqu'en l'espèce, il n'y a pas eu signature d'un compromis par l'ensemble des co-indivisaires puis refus de réitérer en la forme authentique mais absence de signature d'un quelconque engagement par tous les co-indivisaires ; que les premiers juges ont donc justement fait droit à la demande d'expulsion sous astreinte et dit que les époux X... étaient tenus de payer une indemnité d'occupation, et ce à compter d'octobre 1992, dès lors que les époux X... savaient dès l'origine, ainsi que cela a été vu précédemment, ne pas être propriétaires de l'immeuble qu'ils ont néanmoins occupé sans contrepartie et dans lequel ils se sont maintenus malgré les différentes décisions intervenues ;

ALORS QUE lorsque certains des indivisaires consentent aux acquéreurs de l'immeuble le droit de l'occuper, en cas d'échec des opérations de vente non imputable aux acquéreurs, les occupants ne sont pas obligés de payer une indemnité d'occupation si la convention d'occupation des lieux ne l'avait pas prévue et s'il ne leur a pas été enjoint de quitter l'immeuble ; que les acquéreurs de l'immeuble litigieux, les époux X..., soutenaient avoir occupé l'immeuble litigieux sur l'autorisation de ceux des indivisaires qui avaient accepté de le vendre et sur la foi accordée à l'acte authentique dressé par Maître Y... ; que l'arrêt attaqué a condamné les époux X... à payer une indemnité d'occupation sans rechercher si les acquéreurs étaient de bonne foi, s'ils avaient été autorisés à occuper les lieux par les indivisaires signataires de l'acte authentique en contrepartie d'une indemnité d'occupation, si l'échec de la vente était imputable aux époux X... et si ces derniers avaient été mis en demeure de quitter les lieux, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code Civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de leur appel en garantie à l'encontre de Maître Y..., notaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'acte de vente mentionnait chacun des coindivisaires, que les époux X... ont pu constater lors de la signature de l'acte que tous n'étaient pas présents et que ni le notaire ni ceux présents n'avaient reçu pouvoir de les représenter et de signer pour eux ; que d'autre part, malgré la mention de l'acte prévoyant le paiement du prix dans le délai d'un mois suivant la signature, les époux X... ne se sont jamais acquittés du prix ; qu'il en résulte qu'ils étaient informés de la difficulté relative à cette vente et de la nécessité d'obtenir la signature des autres co-indivisaires ; qu'il résulte du courrier du 25 mars 1998 que leur a adressé le notaire que ce dernier leur a transmis une proposition des propriétaires en attirant leur attention sur les difficultés de leur situation et en leur conseillant de l'étudier avec leur avocat ; qu'aucune faute ne peut être reprochée à Maître Y... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QU'à la suite de l'acte de vente querellé établi par Maître Y..., celui-ci a conseillé aux époux X... d'engager une procédure judiciaire à l'encontre des coindivisaires qui se refusaient de vendre le bien en cause ; que dans ces conditions, les défendeurs n'emportent pas la conviction lorsqu'ils affirment qu'ils avaient la certitude que l'acte qu'ils avaient régularisé était définitif ; qu'ils ne pouvaient ignorer que, malgré sa régularité formelle, cet acte était impuissant à son effet dans la mesure où certaines parties se refusaient à le signer ;

ALORS QU'engage sa responsabilité le notaire qui dresse un acte authentique qu'il sait inefficace, notamment parce que tous les propriétaires indivis d'un immeuble en vente n'ont pas signé l'acte authentique de vente ; qu'il ressort de l'arrêt que l'acte authentique du 22 octobre 1992 était inefficace parce qu'il ne portait pas la signature de tous les indivisaires, ce qui caractérisait la faute de Maître Y..., notaire, engageant sa responsabilité notamment à l'égard des acquéreurs ; que pour l'écarter, ayant observé que les époux X... pouvaient constater le défaut de signature de l'acte par certains des indivisaires et n'avaient pas payé le prix, les juges du fond ont retenu que, postérieurement à l'acte authentique, le notaire avait conseillé aux acquéreurs de prendre conseil auprès de leur avocat et d'engager une action judiciaire contre les indivisaires ayant refusé de signer l'acte de vente ; qu'en rejetant l'appel en garantie dirigé contre Maître Y..., après cependant avoir caractérisé sa faute pour avoir dressé un acte nul et ayant manqué à son devoir de conseil, la Cour d'Appel a violé l'article 1382 du Code Civil.

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