Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2008, 07-40.290, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée en décembre 1978 par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), a exercé les fonctions d'employée de bureau puis de technicienne jusqu'au 2e degré niveau III avant d'être affectée dans un nouveau service avec une période probatoire de huit mois et nomination définitive soumise à un stage d'adaptation ; qu'elle a été en arrêt de travail du 31 juillet au 17 août 2003 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la retenue de salaires à l'occasion de l'arrêt maladie et de dommages-intérêts au titre du problème des congés, d'une discrimination et de faits de harcèlement moral ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Mme X... de ses demandes au titre de la discrimination alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a tout à la fois relevé d'une part que les études comparatives ne mettent en exergue aucune particularité dans le développement professionnel de Mme X... ni différence de traitement entre elle et ses collègues placés dans la même situation, et d'autre part qu'il appartient à la caisse de justifier sa décision par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en laissant ainsi incertain le fondement de sa décision, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-45 du code du travail ;

2°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que depuis 1998, Mme X... voit ses collègues obtenir les unes après les autres leur 3e degré, alors même qu'elles comptent moins d'ancienneté qu'elle dans le service et qu'elles ont exercé moins d'activités différentes qu'elle, et qu'au surplus, certaines d'entre elles ayant obtenu leur 3e degré ont été formées par elle-même ; que le 15 mars 2003, elle avait alerté par courrier le directeur de la CNAVTS à Paris sur la discrimination dont elle était victime ; que le 10 avril 2003, son cas était évoqué lors d'une réunion avec les délégués du personnel et qu'à cette occasion, la CNAVTS avait refusé de fournir une quelconque justification à cette disparité de traitement ; que le 15 juillet 2003, devant l'absence de réponse de sa hiérarchie, elle s'était enquise une nouvelle fois auprès de son employeur sur les raisons justifiant l'arrêt de son évolution professionnelle et n'avait cependant pas reçu de réponse ; que dans le même temps, elle était victime de tracasseries incessantes relatives à la pose de ses congés annuels ou à des incidents informatiques ; que la cour d'appel ne pouvait, par suite, affirmer que des études comparatives ne mettaient en exergue aucune particularité dans le développement professionnel de Mme X..., ni différence de traitement entre elle et ses collègues placées dans la même situation qu'elle ; que, de ce chef, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement, en violation de l'article L. 122-45 du code du travail ;

3°/ qu'en retenant pour dire étrangère à toute discrimination la décision de blocage de la carrière de Mme X..., qui faisait grief à son employeur de ne pas l'avoir placée en situation de mise en validation, ce qui la privait de la possibilité d'accéder au niveau sollicité, la compétence de la hiérarchie pour décider de la mise en validation et le défaut de désignation par la hiérarchie de lui confier des actions de formation, tous éléments intrinsèques à la décision critiquée, et partant insusceptibles de lui servir de justification, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L. 122-45 du code du travail ;

4°/ que dans ses conclusions, la salariée faisait valoir qu'elle comptait vingt-cinq années d'ancienneté au sein du service annulation-reversement, au cours desquelles elle avait exercé toutes les différentes tâches et activités spécifiques qui sont effectuées dans ce service, à l'exception d'une seule, les réductions, quand tous les agents titulaires d'un 3e degré n'avaient exercé qu'une ou deux activités spécifiques ; qu'elle parlait couramment le kabyle et l'arabe, ce qui lui servait dans l'exercice de son activité professionnelle, quand deux de ses collègues bénéficiant de l'attribution du 3e degré, en 2002, ne parlaient que le français ; que lors de la phase de deuxième validation, elle avait été amenée à constituer un catalogue des courriers qu'elle recevait dans le cadre de sa gestion afin que ce recueil soit mis à la disposition du service ; qu'elle avait formé deux de ses collègues au traitement des dossiers ressortissants d'Afrique du Nord entre 1999 et 2001 ; que ni le contenu des rapports d'activité des salariés du service ni celui des entretiens annuels n'étaient apportés par l'employeur pour prouver de façon objective qu'elle méritait moins que ses collègues proposées à la direction pour une mise en validation, la CNAVTS ne fournissant aucun fait de caractère professionnel expliquant ses choix et produisant uniquement deux attestations rédigées par deux de ses supérieurs hiérarchiques, Mme Y... et M. Z..., qui évoquaient des faits sans rapport avec les compétences requises pour l'obtention du degré et ses qualités professionnelles, faits sur lesquels elle s'était expliquée et qui n'avaient, en tout état de cause, jamais donné lieu à une sanction disciplinaire ; que la salariée soulignait qu'avant comme après leur mise en validation, les salariés ne changeaient ni de fonctions ni d'activité et voyaient leur rémunération augmenter, ce dont elle ne bénéficiait pas bien qu'ils effectuent rigoureusement les mêmes tâches qu'elle ; qu'il n'avait jamais été répondu à ses demandes d'explications de ce chef ; que faute d'avoir répondu à ces conclusions de la salariée, la cour d'appel a, en tout cas, privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en affirmant que la salariée produisait aux débats des observations sur son comportement par M. Z..., directeur des assurés de l'étranger, et Mme Y..., sa chef de service, attestations versées aux débats par la CNAVTS, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel qui, abstraction faite de la maladresse de rédaction sans conséquence invoquée dans la cinquième branche du moyen, a retenu que la comparaison de l'évolution de carrière de la salariée avec celle des autres employés relevant de la même catégorie et se trouvant dans une situation similaire ne révèle aucune différence de traitement à son détriment, en a exactement déduit qu'aucune discrimination n'était caractérisée ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Mme X... de ses demandes au titre du harcèlement moral alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la salariée était victime de tracasseries incessantes relatives à la pose de ses congés payés ou à des incidents informatiques, qu'elle voyait son état de santé se détériorer au point que le 30 juillet 2003 son médecin traitant lui avait prescrit un arrêt de travail pour la période du 31 juillet au 17 août 2003 ; qu'à son retour, elle avait signé à la demande de son supérieur hiérarchique une demande de congés qui couvrait la période prise, faits de nature à caractériser le harcèlement moral allégué; que faute d'avoir tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement, la cour d'appel a violé l'article L. 122-49 du code du travail ;

2°/ que dans ses conclusions, la salariée faisait valoir qu'après une affectation à un nouveau service, le 9 mai 2005, elle avait été maintenue en période probatoire depuis huit mois et était toujours en période d'adaptation au mois de janvier 2006 ; qu'elle avait été "la seule personne" à laquelle avait été imposée une période d'apprentissage professionnel de cette durée avant nomination définitive au poste ; qu'elle avait fait l'objet d'un contrôle "quotidien" par une tutrice à cette fin désignée qui n'avait ni la formation adéquate, ni le temps pour la former, et établissait un compte rendu hebdomadaire sur ses activités ; qu'en outre, le fait d'empêcher un salarié de prendre ses congés payés constituait, s'il en était besoin, la preuve des chicaneries qu'elle subissait, étant constaté par l'arrêt attaqué qu'elle avait été contrainte, à son retour de congé maladie, de se déclarer en congés payés pour cette période ; que faute d'avoir établi en quoi la salariée était "la seule" à avoir besoin d'être aidée par un agent de maîtrise dans ses fonctions après vingt-cinq ans d'ancienneté, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 122-49 du code du travail ;

Mais attendu qu'outre qu'un fait unique ne peut caractériser un harcèlement moral, l'arrêt, qui a retenu que le contrôle du travail de la salariée n'était destiné qu'à assurer sa formation à de nouvelles fonctions, n'encourt pas les griefs du moyen ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 223-2 du code du travail ;

Attendu que pour débouter Mme X... de ses demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice relatif aux congés payés l'arrêt énonce que celle-ci n'a pas fourni aux débats la preuve de ce qu'elle n'avait pas pris ses congés postérieurement ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que Mme X... n'avait pu bénéficier de ses congés du 31 juillet au 14 août 2003 en raison d'un arrêt de travail pour cause de maladie, sans rechercher si l'employeur l'avait ensuite mise en mesure de prendre son congé pendant la période prévue à cet effet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande relative à la prise des congés payés, l'arrêt rendu le 16 novembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne la CNAVTS aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la CNAVTS à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille huit.

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