Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 16 juin 1998, 96-20.182, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société SRIM fabrique des pièces d'équipement pour l'automobile qu'elle vend à des exportateurs ; que la société Coffima, dont l'activité consiste dans l'exportation sur les marchés africains de produits concurrents des siens, a présenté en 1995 au président du tribunal de commerce une requête aux fins de constat à laquelle il a été fait droit, l'huissier désigné ayant pour mission de se faire communiquer les factures établies, en 1993, 1994 et 1995, par la société SRIM à différentes sociétés ayant acheté des pièces destinées à l'automobile en vue de l'exportation, de relever les prix unitaires des produits vendus à ces sociétés sous les références énumérées dans l'ordonnance, ainsi que les rabais, remises, et ristournes portées sur les factures et les conditions de règlement ; que saisi par la société SRIM le juge des référés a rétracté son ordonnance ; que la société Coffima a fait appel de l'ordonnance de rétractation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société SRIM fait grief à l'arrêt d'avoir fait partiellement droit à la demande de la société Coffima en autorisant partiellement la communication et l'appréhension des factures litigieuses, alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que seuls sont recevables à invoquer les dispositions de ce texte les opérateurs qui ont subi " un désavantage dans la concurrence " dont les effets, s'agissant d'une loi de police relative à l'ordre public économique, doivent s'apprécier sur le territoire national, de sorte qu'en se bornant à relever que les produits étaient achetés en France sans s'expliquer, comme il le lui était demandé, sur le fait que, selon la société Coffima elle-même, le désavantage dont elle serait victime ne se ferait sentir qu'à l'étranger (Algérie et Nigéria), la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte précité ;

Mais attendu que l'ordonnance du 1er décembre 1986 s'applique aux produits achetés en France même si ces produits doivent être distribués ou revendus à l'étranger ; que le moyen pris en sa première branche n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir énoncé que la mesure visée par l'article 145 du nouveau Code de procédure civile ne peut porter atteinte au secret des affaires et qu'en l'espèce elle doit être strictement limitée aux seules investigations nécessaires pour établir les remises et ristournes consenties par la société SRIM aux sociétés concurrentes de la société Coffima, l'arrêt donne mission à l'huissier chargé de dresser le constat de se faire communiquer les factures établies pour les années litigieuses aux sociétés précitées dans l'ordonnance " et au besoin en cas de refus de communication d'appréhender dans les locaux de la société SRIM tous documents et pièces qu'il estimera utiles, la communication ou l'appréhension ne pouvant porter que sur les factures établies pour les années 1992, 1993, 1994 et 1995 aux sociétés précitées dans l'ordonnance ; ... que l'huissier devra également relever sur les factures les quantités d'articles achetés par les quatre sociétés concernées " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si le président du tribunal statuant en référé peut imposer à une partie la production de pièces sous astreinte en vue de permettre la solution d'un litige, il ne saurait ordonner de façon générale et en dehors des cas prévus par la loi, l'appréhension de ces documents par voie de confiscation ou de saisie, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a donné mission à l'huissier d'appréhender en cas de refus dans les locaux de la société SRIM tous documents et pièces qu'il estimera utiles, l'arrêt rendu le 28 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

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