Tribunal d'instance de Rouen, 5 juin 2007, 07/000072

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

RGno 11-07-000072
MINUTE No 194 / 2007
DES AUTOROUTES PARIS-NORMANDIE SAPN
C /
MATMUT
JUGEMENT DU 5 JUIN 2007
TRIBUNAL D'INSTANCE D'ELBEUF
DEMANDERESSE :
Société DES AUTOROUTES PARIS-NORMANDIE SAPN 100 Avenue de Suffren 75015
PARIS, représentée par Me THIERS Anthony, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE :
Société MATMUT 66 rue de Sotteville 76000 ROUEN, représentée par la SCP DE BEZENAC
LAMY MAHIU ALEXANDRE, avocats au barreau de ROUEN
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Michaële GUIVIER
Greffier : Annick LE BIHAN
DEBATS :
Audience publique du : 2 mai 2007
JUGEMENT :
contradictoire, en dernier ressort, prononcé publiquement le 5 Juin 2007 par Michaële
GUIVIER, Président assistée de Annick LE BIHAN, Greffier.


FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Le 15 février 2006 Monsieur Denis X... a percuté sur l'autoroute A 13, alors qu'il se
trouvait au volant d'un véhicule immatriculé... de type Peugeot 307, assuré par la
société anonyme MATMUT, une voiture de marque Passât, immatriculée ...
Par acte d'huissier du 8 février 2007 la société des autoroutes Paris-Normandie-S APN a assigné
devant le Tribunal d'instance d'ELBEUF la société MUTUELLE ASSURANCES DES
TRAVAILLEURS MUTUALISTES (MATMUT), aux fins de la voir condamnée, par décision
exécutoire par provision, au paiement des sommes suivantes':
-509, 75 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 juin 2006,
-1. 000, 00 € de dommages et intérêts pour résistance abusive,
-1. 000, 00 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au dernier état de la procédure, elle conclut à la compétence du tribunal d'instance pour trancher
le litige qui lui est soumis, ce en application des dispositions de l'article R 311-4 du code de
l'organisation judiciaire.
Elle explique que suite à l'accident intervenu le 15 février 2006 la voie a été neutralisée le temps
d'évacuer les débris éparpillés sur la chaussée ; Qu'elle a par courriers des 15 mai 2006 et 19 juin
2006 demandé le remboursement à la société MATMUT des frais occasionnés par le dégagement
de la chaussée et l'intervention des services départementaux d'incendie et de secours ; Que le 20
juillet 2006 la société MATMUT lui a réglé seulement une partie de la somme réclamée, soit
164, 73 € sur les 674, 48 € demandés ; Que les conditions d'application des articles 1382 et 1383
du code civil sont réunies ; Que la responsabilité de Monsieur X... dans l'intervention de
l'accident est établie ; Qu'il ressort de l'article L 1424-42 du code général des collectivités
territoriales et de l'arrêté du 7 juillet 2004 qu'aucun principe de gratuité ne saurait faire obstacle
à la demande de remboursement des frais occasionnés par les services d'incendie et de secours
pris en charge par les sociétés concessionnaires d'autoroutes ; Que ces frais ne sauraient être
intégrés au droit de péage réglé par les usagers, ceux-ci ne couvrant que les dépenses résultant
d'un usage normal des voies ; Que tout fait d'un usager constitutif d'une faute de conduite peut
être considéré comme un usage anormal des voies dont le droit de péage ne saurait constituer
réparation.
La société MATMUT conclut, in limine litis, à l'incompétence de la juridiction saisie au profit
du juge de proximité sur le fondement de l'article R 331-1 du code de l'organisation judiciaire,
et subsidiairement au débouté de la SAPN outre sa condamnation au paiement de 700 € en
application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir que le litige soumis au tribunal étant inférieur à 4. 000 € il s'avère être de la
compétence de la juridiction de proximité ; Que les articles L 1424-2 et L 1424-42 du code
général des collectivités territoriales postulent de la gratuité des services départementaux
d'incendie et de secours ; Qu'aucune restriction à ce principe de gratuité ne figure dans les textes
précités en fonction de la localisation de la mission exercée ; Que la convention déterminant le
coût de la prise en charge de l'intervention des secours par les services incendie et de secours est
inopposable aux usagers de l'autoroute en vertu du principe de l'effet relatif des contrats ; Que
la SAPN ne peut disposer de plus de droits que le SOIS en aurait eu si l'accident s'était produit

hors de son réseau ; Que les péages perçus ont pour objet, entre autres de couvrir les dépenses
d'exploitation parmi lesquelles doivent figurer celles inhérentes à la facturation des interventions
du SDIS ; Que l'auteur de l'accident a fait un usage normal du réseau routier.
Compte tenu du montant de la demande la présente décision sera rendue contradictoirement et
en dernier ressort.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'exception d'incompétence :
La responsabilité délictuelle de la société MATMUT est recherchée en sa qualité d'assureur du
véhicule impliqué dans un accident de la circulation intervenu le 15 février 2006 sur l'autoroute
A 13, à l'occasion duquel le véhicule assuré de marque Peugeot, immatriculé..., a
percuté un autre véhicule.
L'article R 331-1 du code de l'organisation judiciaire donne compétence aux juridictions de
proximité pour traiter des actions personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de 4. 000 €, mais
prévoit que cette compétence est attribuée sous réserve des dispositions législatives ou
réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions.
Or, l'article R 311-4 du code de l'organisation judiciaire prévoit que " sans préjudice de
l'application de l'article 3 du code de procédure pénale et de la loi du 31 décembre 1957, les
tribunaux de grande instance et d'instance sont seuls compétents en dernier ressort ou à charge
d'appel selon le cas pour connaître de toutes les actions en responsabilité délictuelle ou quasidélictuelle
tendant à la réparation des dommages de touUnature causés par un véhicule
quelconque ".
C'est pourquoi, au vue de ce texte et du litige soumis à la présente juridiction, il y a lieu de
rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société MATMUT.
Sur le fond :
La société S APN a édité le 15 mai 2006 une lettre de réclamation no 06 / 0209 dans laquelle elle
récapitulait les postes d'indemnisation dont elle demandait le paiement et qui correspondaient
à :
-164, 73 € pour les opérations de dégagement et de nettoyage de la chaussée
-459, 75 € de frais d'intervention des services des pompiers
-50, 00 € de forfait suivi de dossier.
La société MATMUT oppose à cette demande en paiement deux arguments tenant d'une part à
la gratuité de principe des prestations proposées par les services incendie et de secours amenés
à intervenir sur les lieux d'un accident et d'autre part à l'effet relatif des contrats.


Ces moyens soumis au tribunal sont cependant inopérants dés lors que le problème juridique
posé consiste uniquement à savoir si le conducteur du véhicule responsable de l'accident a
occasionné à la SAPN un dommage en lien direct avec celui-ci, qui n'entre pas dans les frais
supportés par le seul concessionnaire en raison de la perception d'un droit de péage.
En effet, l'article 1382 du code civil sur lequel la SAPN fonde son action prévoit que " tout fait
quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ", tandis que l'article 1383 du même code précise que " chacun est responsable
du dommage qu'il cause non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son
imprudence ".
En l'espèce, il est constant et non contesté que le 15 février 2006 le véhicule assuré par la société
MATMUT, immatriculé..., a fait un aquaplaning, ce qui l'a amené à percuter un
véhicule Passât (immatriculé ...) circulant sur la voie médiane de l'autoroute A 13 à
hauteur de Sotteville Sous le Val. La circulation sur la voie a été neutralisée le temps d'effectuer
les opérations d'évacuation et de nettoyage de la chaussée et les services d'incendie et de secours
sont intervenus en service payant.
La société MATMUT a reconnu au cours des débats la responsabilité de son assuré dans la
réalisation de l'accident, et a pris en charge à ce titre le forfait d'un montant de 164, 73 €
indemnisant le dégagement de la chaussée.
Pour le surplus des postes de préjudice réclamés, il résulte de l'article L 1424-42 du code général
des collectivités territoriales que " les interventions effectuées par les services d'incendie et de
secours sur le réseau routier et autoroutier concédé font l'objet d'une prise en charge par les
sociétés concessionnaires d'ouvrages routiers et autoroutiers ", les conditions de cette prise en
charge étant " déterminées par une convention entre les services départementaux d'incendie et
de secours et les sociétés d'autoroutes selon les modalités fixées par arrêté conjoint du ministre
de l'intérieur et du ministre chargé des finances ". Un arrêté du 7 juillet 2004, promulgué par le
ministère de l'intérieur, a déterminé les conditions de mise en oeuvre des trois derniers alinéas
dudit texte, en proposant un modèle de convention devant être signée entre les concessionnaires
routiers et le service départemental d'incendie et de secours, prévoyant des rémunérations
forfaitaires des services de secours en fonction des catégories d'interventions.
En application de ces textes, la société SAPN a signé avec le SDIS une convention sur la base
de laquelle le coût de l'intervention du 15 février 2006 a été facturé à la société d'autoroute.
L'existence d'un préjudice financier pour cette dernière est ainsi certaine.
Or, l'accident occasionné par Monsieur X... est directement à l'origine de l'intervention
des pompiers, et se trouve être la conséquence d'une faute de conduite. Par ailleurs, cette
intervention a été réalisée au seul profit des accidentés, sans bénéfice pour la société SAPN qui
n'intègre pas de tels frais dans le droit de péage réglé par tout usager de ses installations.
La redevance de péage perçue par la société d'autoroute a pour objet unique de rétribuer le droit
d'usage du réseau autoroutier et d'amortir les frais de construction, d'entretien, de sécurisation
et de fonctionnement de celui-ci. Si les contrats de concession mettent généralement à la charge
des sociétés concessionnaires l'obligation d'assurer la sécurité des usagers, ils visent les
installations, non les situations exceptionnelles dans lesquelles un accident intervient et implique
le recours à des services extérieurs payants.


Aussi, la SAPN a le droit d'obtenir réparation de son entier préjudice et peut à ce titre prétendre
obtenir le remboursement soit par l'auteur de l'accident soit par sa compagnie d'assurance des
frais qui lui ont été facturés, outre frais annexes, pour qu'il soit porté secours aux accidentés, soit
en l'espèce 509, 75 € avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision
sur le fondement de l'article 1153-1 du code civil.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive :

L'exercice de la défense à une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en
abus pouvant donner lieu à indemnisation qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur
grossière équipollente au dol.
Face à des textes qui énoncent tour à tour le principe de la gratuité des prestations des SDIS et
celui d'un service payant lorsque les secours sont organisés en certains lieux, la position
défendue par la société MATMUT peut s'entendre et ne constitue en aucune manière une erreur
grossière équipollente au dol. Il n'est pas plus établi que la société d'assurance ait agi par
mauvaise foi, bien qu'elle ait eu connaissance de jurisprudences ayant précédemment reconnu
le droit des sociétés d'autoroute à indemnisation.
Dans ces conditions, la société SAPN sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et
intérêts pour procédure abusive.


Sur les demandes accessoires :

La présente décision étant rendue en derniers ressort, la demande présentée au titre de l'exécution
provisoire est sans objet.
La société défenderesse succombant elle sera déboutée de sa demande en paiement de frais
irrépétibles.
Elle sera condamnée, en sa qualité de partie perdante, aux dépens et sera également tenue au
paiement de la somme de 400 € sur le fondement de l'article l'article 700 du Nouveau Code de
Procédure Civile, la société MATMUT ayant contraint la société SAPN à exposer des frais non
compris dans les dépens afin de vaincre sa résistance.

PAR CES MOTIFS ;

Le tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par la société anonyme MATMUT,
Se déclare compétent ratione materia,
Condamne la société anonyme MATMUT à régler à la société SAPN la somme de 509, 75 € à titre
de dommages et intérêts, outre intérêt au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
Déboute la société anonyme MATMUT de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour
résistance abusive ;

Déclare sans objet la demande présentée au titre de 1'exécution provisoire ;
Condamne la société anonyme MATMUT à régler à la société SAPN la somme de 400, 00 € sur
le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Déboute la société anonyme MATMUT de sa demande en paiement de frais irrépétibles,
Condamne la société anonyme MATMUT aux dépens.
AINSI JUGE ET PRONONCE AUX JOUR, MOIS ET AN SUS-VISES
LE GREFFIER LE PRESIDENT ^
A. LE BIHAN M. GUIVII

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