CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 28/09/2017, 15VE03936, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA BUREAU VERITAS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale ainsi que des intérêts de retard mis à sa charge au titre de l'exercice 2007, auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 ;

Par un jugement n° 1402216 du 5 novembre 2015, le Tribunal administratif de
Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2015 et 1er juillet 2016, la société BUREAU VERITAS, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice 2007 et de mettre à la charge de l'Etat le paiement des intérêts moratoires sur le fondement de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :

- en application de l'article R 611-7 du Code de justice administrative, le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu ; le tribunal administratif n'a en effet pas soumis au débat contradictoire le moyen qu'il a soulevé d'office pour fonder son jugement ;
- la réponse ministérielle Gantier du 8 février 1982 et la documentation de base
4 B-3121 du 7 juin 1999 sont opposables à l'administration en application de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
- une jurisprudence contraire à la doctrine administrative ne rendant pas cette dernière caduque, l'administration ne peut soutenir que la réponse ministérielle Gantier a été rapportée ;
- l'instruction 8 M-1-04 publiée le 14 janvier 2004 ne peut être considérée comme rapportant la réponse Gantier, dès lors que son champ d'application est limité aux seuls particuliers, personnes physiques, et à l'impôt sur le revenu.

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pilven,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SA BUREAU VERITAS.


1. Considérant que la SA BUREAU VERITAS, qui exerce une activité d'évaluation de la conformité et de certification, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2007, 2008 et 2009, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la qualification de moins-value à court terme que la société avait donnée au produit résultant de la cession des titres qu'elle détenait au sein de la société BVCPS Hong-Kong en 2007 ; qu'après avoir requalifié ladite moins-value comme étant à long terme, l'administration a assujetti la
SA BUREAU VERITAS à des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale, ainsi qu'à des intérêts de retard au titre de l'exercice clos en 2007 à concurrence de la somme globale de 12 899 409 euros ; que, par un jugement du 5 novembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces compléments d'impôts sur les sociétés et de contribution sociale ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'à l'exception des moyens d'ordre public sur lesquels la formation de jugement ne peut se fonder d'office sans avoir informé les parties préalablement à la séance du jugement, aucun texte ou principe général du droit n'impose que le tribunal informe les parties, préalablement à l'audience, des éléments de raisonnement qu'il est susceptible de retenir pour répondre aux moyens des parties ; que pour répondre au moyen tiré de l'opposabilité de la doctrine administrative, le tribunal administratif s'est fondé sur une argumentation différente de celle du défendeur et s'est ainsi borné à remplir son office ; qu'ainsi le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la loi fiscale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. " : qu'aux termes de l'article 39 duodecies du même code : " (...) 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : / a. aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans ; / b. aux moins-values subies lors de la cession de biens amortissables, quelle que soit la durée de leur détention. Le cas échéant, ces moins-values sont diminuées du montant des amortissements expressément exclus des charges déductibles ainsi que de ceux qui ont été différés en contravention aux dispositions de l'article 39 B. / 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 (...) " ; et qu'aux termes de
l'article 39 quindecies du même code : " I. 1. Sous réserve des dispositions des articles
41, 151 octies et 210 A à 210 C, le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 16 % (...) 2. L'excédent éventuel des moins-values à long terme ne peut être imputé que sur les plus-values à long terme réalisées au cours des dix exercices suivants(...) " ;

4. Considérant que lorsqu'une société cède tout ou partie des titres représentatifs de ses droits dans une autre société, il convient, pour déterminer la date à laquelle elle les avait acquis, au sens de l'article 39 duodecies du code général des impôts précité, de se référer à la date à laquelle ces titres sont entrés dans son patrimoine, quels qu'aient été les changements formels ayant pu ultérieurement les affecter ; qu'en particulier, si une incorporation de réserves au capital social a donné lieu à l'attribution gratuite aux associés de titres supplémentaires, en proportion de leurs droits acquis respectifs, la cession ultérieure de ces titres doit, tout comme celle des titres initiaux, être regardée comme la cession de la fraction qui leur correspond des droits initialement acquis par le cédant, et demeurés en sa possession depuis cette acquisition ; qu'il suit de là que la cession par la SA BUREAU VERITAS, en 2007, de 10 757 784 actions de la société
BVCPS HK, qui lui ont été attribuées gratuitement lors d'augmentations de capital par incorporation de réserves intervenue la même année, doit être regardée, pour l'application des dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts, comme la cession de biens acquis à la date d'attribution des titres initiaux, soit en 1998 ; que par suite la société ne peut obtenir la décharge de l'imposition contestée en application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la doctrine :

5. Considérant que si la société se prévaut de l'interprétation de la loi fiscale qui serait contenue dans une réponse ministérielle en date du 8 février 1982, il résulte des termes de cette réponse que cette dernière se limite, tout comme la question posée par le parlementaire, au régime d'imposition des plus-values de cession d'action distribuées à titre gratuit par les sociétés non cotées à prépondérance immobilière, dans les prévisions desquelles la société requérante n'entre pas ; qu'il suit de là que cette réponse ne peut être regardée comme contenant une interprétation formelle du texte fiscal qui serait opposable à l'administration en vertu des dispositions de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA BUREAU VERITAS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt ; que, par suite, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;





DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA BUREAU VERITAS est rejetée.
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N° 15VE03936



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