Conseil d'État, 7ème / 2ème SSR, 14/10/2015, 391183, Publié au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Pyxise a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 2 mars 2015 par laquelle la région Réunion a rejeté l'offre présentée par le groupement Graniou/Moreschetti Axians, auquel elle participait en qualité de sous-traitant pour le marché " Wi-fi régional grand public ", et, d'autre part, à la suspension de ce marché.

Par une ordonnance n° 1500419 du 3 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a suspendu l'exécution du marché en litige.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 juin, 6 juillet et 26 août 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Réunion demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter les demandes de la société Pyxise ;

3°) de mettre à la charge de la société Pyxise le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Charline Nicolas, auditeur,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la Région Réunion, et à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la société Pyxise ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 5 octobre 2015, présentée pour la société Pyxise ;



1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; que, lorsque le tribunal administratif est saisi d'une demande contestant la validité d'un contrat, le juge des référés peut être saisi, sur ce fondement, d'une demande tendant à la suspension de son exécution ; que lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de ce contrat et conduire à la cessation de son exécution ou à son annulation, eu égard aux intérêts en présence, il peut ordonner la suspension de son exécution ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis que le 19 mars 2015, la région Réunion a conclu avec la société Nextiraone un marché public intitulé " Wi-fi régional grand public ", ayant pour objet la fourniture, la maintenance et les travaux d'aménagements accessoires pour la mise en oeuvre d'une solution de bornes d'accès public gratuit au réseau internet sans fil dite " Hotspot Wi-Fi ", sur plusieurs sites identifiés de l'île de La Réunion ; que la société Pyxise, sous-traitante du groupement Garniou/Moreschetti Axians dont l'offre a été rejetée, a saisi le juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision de rejet de l'offre du groupement précité du 2 mars 2015 et à la suspension de l'exécution de ce marché ; que par une ordonnance du 3 juin 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a fait droit à la demande de suspension de l'exécution du marché et rejeté le surplus des conclusions de la société ; que le pourvoi de la région Réunion tendant à l'annulation de cette ordonnance doit être regardé comme dirigé contre ses articles 1, 2 et 4 ;

3. Considérant que pour ordonner la suspension du marché litigieux, le juge des référés a relevé qu'il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'une " mesure d'annulation ", de prendre en compte, pour apprécier la condition d'urgence, d'une part, les atteintes graves et immédiates que l'annulation litigieuse est susceptible de porter à un intérêt public ou aux intérêts du requérant et, d'autre part, l'intérêt général ou l'intérêt de tiers, " notamment du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la mesure demandée ", qui peut s'attacher à l'exécution immédiate de cette mesure ; qu'en se fondant ainsi sur une règle de droit non applicable à la demande de suspension de l'exécution du marché en litige dont il était saisi, le juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis a entaché son ordonnance d'erreur de droit ; que par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, les articles 1er, 2 et 4 de l'ordonnance attaquée doivent être annulés ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension de l'exécution de ce marché, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que si la société requérante n'est pas un concurrent dont la candidature ou l'offre a été rejetée ou qui aurait été empêché de présenter sa candidature, et si en sa seule qualité de société susceptible d'intervenir en qualité de sous-traitante, elle ne justifie pas d'un intérêt lésé pouvant la rendre recevable à contester la validité du contrat en cause, il ressort des pièces du marché que l'offre d'un des groupements candidats reposait sur la technologie que fournit cette société ; que, dans ces conditions, elle justifie être lésée par la conclusion du contrat litigieux de manière suffisamment directe et certaine pour être recevable à en demander l'annulation ainsi que la suspension ;

6. Considérant, toutefois, que les moyens invoqués par la société requérante à l'encontre du contrat en litige, tirés de l'absence de publication au Journal officiel de l'Union européenne et de délai minimum de réponse de cinquante-trois jours, et de ce que ce contrat méconnaît l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales et l'article 10 du code des marchés publics ne sont pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du marché en cause ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence ni sur la fin de non-recevoir opposée par la région Réunion à la demande de suspension du marché en litige, cette demande doit être rejetée ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la région Réunion qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Pyxise la somme de 4 500 euros à verser à la région Réunion au titre de ces mêmes dispositions pour l'ensemble de la procédure ;




D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 4 de l'ordonnance du 3 juin 2015 du juge des référés du tribunal administratif de Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la société Pyxise tendant à la suspension de l'exécution du marché en litige et ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La société Pyxise versera à la région Réunion une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la région Réunion, à la société Pyxise et à la société Nextiraone.

ECLI:FR:CESSR:2015:391183.20151014
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