Conseil d'État, 10ème / 9ème SSR, 26/05/2014, 348574

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 8 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1° d'annuler l'arrêt n° 09VE02606 du 17 février 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0608534 du 25 juin 2009 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2003 et, d'autre part, au prononcé de la décharge sollicitée ;

2° réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Loloum, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. B...;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que lors de la vérification de la comptabilité de la SARL BSM Immobilier exerçant l'activité de marchand de biens, l'administration a relevé que la société avait acquis en 2003 un appartement à Neuilly-sur-Seine pour le prix de 6,8 M euros et l'avait revendu le même jour à M. B... pour le prix de 670 776 euros ; qu'elle a regardé la différence entre ce dernier prix et le prix estimé du marché comme un avantage occulte imposable entre les mains de M. B... sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Versailles du 25 juin 2009 refusant de faire droit à sa demande de décharge des impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2003 ;

2. Considérant, en premier lieu, que la cour a relevé que la proposition de rectification adressée à M. B...indiquait expressément qu'elle reproduisait les motifs de droit et de fait ayant fondé les rehaussements notifiés à la SARL BSM Immobilier et en précisait les conséquences sur le revenu imposable du contribuable ; qu'elle a détaillé le contenu de ce document en constatant notamment qu'il indiquait " les différentes étapes de l'opération ayant conduit la SARL BSM Immobilier à vendre l'immeuble à un prix anormalement bas, les caractéristiques des lots vendus ainsi que les termes de comparaison retenus par l'administration pour déterminer leur valeur vénale " ; qu'à partir de ces constatations, qui ne sont pas contestées en cassation, la cour a pu juger, sans entacher sa décision d'insuffisance de motivation ni commettre d'erreur de droit, que, dans ces conditions, l'administration n'était pas tenue d'annexer à cette proposition de rectification une copie de la proposition de rectification notifiée à la société ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que si l'administration ne peut en principe, avant même l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 7 décembre 2005 d'où est issu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, fonder le redressement des bases d'imposition d'un contribuable sur des renseignements ou documents qu'elle a obtenus de tiers, notamment par l'exercice du droit de communication, sans l'avoir informé, avant la mise en recouvrement, de l'origine et la teneur de ces renseignements, cette obligation d'information sur l'origine des renseignements ne s'étend pas aux informations nécessairement détenues par les différents services de l'administration fiscale en application de dispositions législatives ou réglementaires ; que les informations contenues dans le fichier immobilier, qui proviennent des actes déposés au service des impôts en application des prescriptions de l'article 860 du code général des impôts, sont de ce fait hors du champ d'application de la règle désormais énoncée à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le vérificateur n'était pas tenu d'informer le contribuable de l'origine des renseignements qu'il avait obtenus par consultation du fichier immobilier ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la cour a jugé, sans méconnaître le régime de preuve applicable, que, pour justifier le redressement sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts, il appartenait à l'administration d'établir l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession ;

5. Considérant que, d'une part, pour admettre que l'administration établissait l'existence d'un écart significatif entre le prix de vente convenu et la valeur vénale du bien cédé, la cour a relevé, par une appréciation des faits exempte de dénaturation, que l'évaluation de la valeur vénale par l'administration était fondée sur des éléments de comparaison portant sur des biens similaires situés à la même adresse présentant des caractéristiques comparables aux lots litigieux en termes, notamment, de superficie, de type, de composition et d'étage ; qu'elle a écarté, sans davantage dénaturer les pièces du dossier, les critiques du requérant qui prétendait que cette évaluation était exagérée ; que la cour a estimé, d'autre part, que l'administration apportait la preuve d'une intention commune de libéralité alors même que M. B...n'était ni associé ni dirigeant de la SARL BSM Immobilier, en faisant valoir les relations d'intérêts et d'affaires entre le contribuable et cette société qui résultaient des participations détenues dans deux SCI et une SARL par le contribuable et les gérants de la SARL BSM Immobilier et de l'existence d'une prestation fournie par la SARL BSM Immobilier à l'une de ces sociétés, la SCI Second, dont M. B...était le gérant, à l'occasion d'une opération de vente immobilière ; que, ce faisant, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ; que contrairement à ce que soutient le requérant, la cour n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier qui lui étaient soumis en se fondant sur la prestation fournie à la SCI Second par la SARL BSM Immobilier, bien qu'elle n'ait pas donné lieu à un règlement et que l'opération immobilière n'ait pu se conclure par la vente, dès lors que, selon les affirmations de l'administration non sérieusement contestées, la réalité de la prestation d'architecte était attestée par l'établissement d'une facture que la SARL BSM Immobilier a passée en comptabilité ;

6. Considérant, enfin, qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier l'application de la pénalité pour mauvaise foi, l'administration faisait valoir que M.B..., en raison de ses fonctions de gérant dans des sociétés immobilières et des opérations immobilières auxquelles il avait été associé, connaissait assez le marché immobilier pour avoir accepté en parfaite connaissance de cause le dispositif le faisant bénéficier de l'avantage occulte en cause ; que la cour a jugé, par une appréciation souveraine, que l'administration apportait ainsi la preuve lui incombant du caractère délibéré de la dissimulation ; que l'erreur qu'elle a commise en déclarant que M. B...était un professionnel de l'immobilier, en contradiction avec les affirmations mêmes de l'administration, est sans incidence en l'espèce sur la qualification de la pénalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;









D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre des finances et des comptes publics.

ECLI:FR:CESSR:2014:348574.20140526
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