COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 2ème chambre - formation à 3, 29/10/2013, 13LY00840, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2013 au greffe de la Cour présentée pour la société Holding SGPI, dont le siège se situe 140, rue de la République à Le Péage de Roussillon (38550) ;

La société Holding SGPI demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1004920 du 7 février 2013 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts dont ont été assortis les compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Holding SGPI soutient que :
- les pénalités pour manquement délibéré dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie ne sont pas fondées dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée a, par erreur, été calculée sur l'intégralité du prix de vente ;
- les dispositions ayant fondé les impositions sont manifestement entachées d'illégalité ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :
- la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts a été appliquée eu égard à l'importance de la taxe sur la valeur ajoutée collectée et à la répétition sur plusieurs exercices de sa comptabilisation dans un compte de " TVA à régulariser " mouvementé à son crédit à deux reprises au cours de la période vérifiée pour un montant non régularisé au 31 mars 2009 de 403 884 euros ;
- le fait que l'entreprise ait isolé la taxe sur la valeur ajoutée due dans un compte de " TVA à régulariser " démontre qu'elle a agi en toute connaissance de cause, sans ignorer qu'elle manquait délibérément à ses obligations dont elle avait une parfaite connaissance dans la mesure où elle a partiellement régularisé sa situation à la clôture de l'exercice 2007 ;
- cette pratique a été renouvelée sur plusieurs exercices puisque le compte de " TVA à régulariser " existait à l'ouverture de la période vérifiée, ce qui a permis à la société de bénéficier de la prescription fiscale pour la taxe sur la valeur ajoutée collectée dissimulée de l'exercice clos en 2005 ainsi qu'à la clôture de la période vérifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Samson, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;


1. Considérant que la société Holding SGPI, qui exerce une activité de marchand de biens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des compléments de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 assortis des intérêts de retard et pénalités pour manquement délibéré ; que la société Holding SGPI relève appel du jugement du 7 février 2013 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré au titre de la période en litige ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, pour établir cette mauvaise foi, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ; que, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ;

4. Considérant que lorsque le comportement du contribuable vise, au moment de sa déclaration, à différer volontairement et de manière réitérée le paiement de l'impôt dû, l'administration doit être regardée comme caractérisant le caractère intentionnel du contribuable de se soustraire à ses obligations fiscales ; qu'une telle pratique a nécessairement pour effet d'éluder l'impôt et entre ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Holding SGPI a acquis le 20 février 2007 un terrain à bâtir situé sur le territoire de la commune de Monnetier-Mornex pour le prix de 2 100 000 euros et l'a revendu le même jour à la SCI Les Demeures de Saleve au prix de 3 588 000 euros TTC, soit un prix hors taxes de 3 000 000 euros et 588 000 euros au titre de la taxe ajoutée calculée sur la totalité du prix hors taxes ; que seule une partie de cette taxe a été déclarée et reversée au Trésor public, le solde de 372 671,43 euros étant comptabilisé en taxe collectée, puis inscrit à la clôture de l'exercice le 30 juin 2007 à un compte de " TVA à régulariser " ;

6. Considérant que la société requérante, qui ne conteste plus en appel le montant des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie correspondant à la différence du montant de la taxe mentionné dans l'acte notarié par lequel elle a cédé le terrain à bâtir à la SCI Les Demeures de Saleve et les sommes qu'elle a spontanément versées au Trésor public, soutient qu'elle ne peut être regardée comme ayant délibérément minoré ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée dès lors que ladite taxe a, par erreur, été calculée sur l'intégralité du prix de vente et que les dispositions ayant fondé les impositions sont manifestement entachées d'illégalité ;

7. Considérant que pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées, dont ont été assortis les rappels résultant de l'assujettissement de la cession par la société requérante le 20 février 2007 du terrain dont s'agit à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions de l'article 257-7° du code général des impôts, l'administration a relevé d'une part que la taxe en litige qui a été comptabilisée en tant que " TVA à régulariser " au 30 juin 2007 n'avait toujours pas fait l'objet d'une régularisation au 31 mars 2009 et que ce poste a été mouvementé à son crédit à deux reprises au cours de la période vérifiée ; que l'administration a pu déduire de l'ensemble de ces faits une volonté délibérée de la part de la société requérante de se soustraire à l'impôt et a ainsi établi son absence de bonne foi, sans que la société requérante ne puisse utilement se prévaloir de la non-conformité à la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 des dispositions de l'article 285-3° du code général des impôts désignant dans certains cas l'acheteur d'un immeuble comme redevable de la taxe due à raison de la vente dudit immeuble, au lieu du vendeur de celui-ci, tel qu'il existait avant l'entrée en vigueur de l'article 16 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 dès lors que la taxe en litige a été mise non pas à la charge de l'acquéreur mais du vendeur ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Holding SGPI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des pénalités pour manquement délibéré ; que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par suite être rejetées ;


DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Holding SGPI est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Holding SGPI et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2013 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Samson, président-assesseur,
M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2013.
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N° 13LY00840




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