Cour Administrative d'Appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 06/11/2012, 11MA02943, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 27 juillet 2011 sous le n°11MA02943, présentée pour le Syndicat français des ostéopathes, dont le siège est situé 13-15 rue Dulac à Paris (75015), représenté par son président en exercice, par Me Pintat ;

Le Syndicat français des ostéopathes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0903002 du 24 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2009, modifié le 28 mai 2009, par lequel le ministre de la santé et des sports a modifié la liste des établissements agréés dispensant une formation en ostéopathie, en y ajoutant l'Institut supérieur d'ostéopathie du Grand Montpellier et l'Institut de formation supérieure en ostéopathie de Lyon ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions d'agrément faisant l'objet de l'arrêté précédemment mentionné du 9 mai 2009 modifié ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'éducation ;
Vu le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement des commissions administratives à caractère consultatif ;
Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;
Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;
Vu l'arrêté ministériel du 25 mars 2007 relatif à la formation en ostéopathie, à la commission d'agrément des établissements de formation et aux mesures dérogatoires ;
Vu l'arrêté ministériel du 30 avril 2007 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission nationale d'agrément des établissements dispensant une formation en ostéopathie ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2012 :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Pintat pour le Syndicat français des ostéopathes, de Me Libert pour l'ISFO Lyon et de Me Hiault Spitzer pour l'ISOGM ;
1. Considérant que, par jugement du 24 mai 2011, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté comme irrecevable la demande du Syndicat français des ostéopathes tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2009, modifié le 28 mai 2009, par lequel le ministre de la santé et des sports a modifié la liste des établissements agréés dispensant une formation en ostéopathie, en y ajoutant l'Institut supérieur d'ostéopathie du Grand Montpellier (ISOGM) et l'Institut de formation supérieure en ostéopathie de Lyon (ISFO Lyon) ; que le Syndicat français des ostéopathes relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions de l'ISOGM tendant au non-lieu à statuer :
2. Considérant que, par arrêté du 28 mai 2009, le ministre chargé de la santé a rectifié une erreur matérielle contenue dans l'arrêté du 6 mai 2009 et portant sur la dénomination de l'ISOGM ; que cette modification, au demeurant expressément visée par le Syndicat français des ostéopathes, n'a pas fait perdre l'objet de la demande de première instance et de la requête d'appel ; qu'il y a donc lieu de statuer ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :
3. Considérant que le jugement attaqué a été notifié aux parties par lettre du 24 juin 2011 ; que, par suite, la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 juillet 2011, n'est pas tardive ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par l'ISFO Lyon ne peut être accueillie ;
Sur la régularité du jugement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de l'arrêté du 25 mars 2007 relatif à la formation en ostéopathie, à la commission d'agrément des établissements de formation et aux mesures dérogatoires : " Une fois complets, la direction régionale des affaires sanitaires et sociales ou la direction départementale des affaires sanitaires et sociales à Mayotte transmet les dossiers de demande d'agrément au secrétariat de la Commission nationale d'agrément prévue à l'article 6 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 susvisé. Le ministre chargé de la santé notifie au demandeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sa décision motivée après avis de la commission précitée et dresse la liste des établissements agréés. Cette liste distingue : 1° Les établissements réservés aux professionnels de santé inscrits au livre Ier et aux titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique ; 2° Les établissements ouverts aux non-titulaires d'un diplôme, certificats, titre ou autorisation leur permettant l'exercice d'une des professions de santé mentionnées au livre Ier et aux titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique " ;

5. Considérant, ainsi qu'il a déjà été dit, que le Syndicat français des ostéopathes a demandé au tribunal l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2009 par lequel le ministre chargé de la santé, sur le fondement des dispositions précitées, a ajouté l'ISOGM et l'ISFO Lyon à la liste des établissements agréés dispensant une formation en ostéopathie et porté ainsi à la connaissance des tiers les décisions individuelles d'agrément prises respectivement les 9 janvier et 13 mars 2009 en faveur de ces établissements, pour une durée de quatre ans ; que, si ces conclusions, qui visent seulement l'arrêté du 6 mai 2009, ne tendent pas expressément à l'annulation des décisions individuelles d'agrément, elles doivent être regardées comme également dirigées contre ces dernières décisions dont le Syndicat français des ostéopathes est recevable à demander l'annulation ; que l'arrêté du 6 mai 2009 modifié, qui ajoute les établissements en cause à la liste des établissements agréés, présente le caractère d'une décision dont le Syndicat français des ostéopathes est aussi recevable, malgré son caractère recognitif, à demander l'annulation ;

6. Considérant qu'il s'ensuit que le Syndicat français des ostéopathes est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable ; que, dès lors, le jugement est irrégulier et doit être annulé ;
7. Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le Syndicat français des ostéopathes devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur l'intérêt pour agir du Syndicat français des ostéopathes :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 3 des statuts du Syndicat français des ostéopathes : " Le Syndicat a pour objet d'assurer la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux de ses membres, ostéopathes, tant sur le plan individuel que collectif. A ce titre, le Syndicat poursuivra notamment les objectifs suivants : - Assurer le suivi législatif et réglementaire afférent à la profession d'ostéopathe, et le cas échéant prendre toute mesure de nature à en améliorer la réglementation (...) " ; qu'un tel objet social est de nature à donner au Syndicat français des ostéopathes un intérêt suffisant pour agir à l'encontre de l'agrément accordé, par la décision du 13 mars 2009 et l'arrêté du 6 mai 2009, à l'ISFO Lyon pour assurer une formation en ostéopathie réservée aux professionnels de santé, lesquels peuvent d'ailleurs adhérer au Syndicat appelant s'ils exercent l'ostéopathie à titre exclusif ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'ISFO Lyon doit être écartée ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la condamnation au paiement d'une amende pour recours abusif :
9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros " ; que la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de l'ISOGM tendant à ce que le Syndicat français des ostéopathes soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables ;
Sur la légalité des décisions contestées :
10. Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 : " Le dossier de demande est transmis au ministre chargé de la santé au plus tard quatre mois avant la date d'ouverture de l'établissement. (...) L'agrément est délivré pour une durée de quatre ans par le ministre chargé de la santé après avis d'une commission nationale d'agrément (...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 8 juin 2006 : " Sauf urgence, les membres des commissions reçoivent, cinq jours au moins avant la date de la réunion, une convocation comportant l'ordre du jour et, le cas échéant, les documents nécessaires à l'examen des affaires qui y sont inscrites " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté par le ministre, que les membres de la commission nationale d'agrément n'ont reçu, pour aucune des réunions au cours desquelles les demandes de l'ISOGM et de l'ISFO Lyon ont été examinées, le dossier de demande d'agrément cinq jours avant les dates des réunions ; que, s'agissant de l'ISFO Lyon, si les membres de la commission réunis une première fois à une date non précisée ont demandé à l'unanimité un délai supplémentaire pour instruire le dossier, il n'est pas allégué en défense que celui-ci leur aurait alors été remis ; que, dans ces conditions, les membres de la commission n'ont pas été mis en mesure de prendre connaissance des dossiers des établissements de formation en temps utile ; que, même si la consultation des dossiers a été organisée dans les locaux du ministère chargé de la santé le jour des séances, préalablement aux réunions et selon des modalités d'ailleurs non détaillées dans l'instance, l'irrégularité ainsi commise a été susceptible d'exercer une influence sur le sens des décisions prises ; que, dès lors, les décisions en litige ont été prises à la suite d'une procédure irrégulière de nature à entraîner leur annulation ;

12. Considérant, en outre, qu'aux termes de l'article 7 de l'arrêté du 25 mars 2007 : " Les demandeurs de l'agrément adressent, par voie postale, avec demande d'avis de réception à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales compétente ou à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales à Mayotte, outre la fiche de dépôt de la demande d'agrément annexée au présent arrêté, un dossier en double exemplaire comportant les pièces suivantes : (...) 4° Les preuves du respect des formalités et règles définies aux articles L. 731-1 à L. 731-17 du code de l'éducation ; 5° Les publicités et documents d'information (papiers, site internet,...) du public et des candidats sur la formation dispensée (...) 11° La preuve de l'engagement dans une démarche d'évaluation de la qualité de l'enseignement ; 12° Le coût annuel de la formation, sa décomposition et les justificatifs " ;

13. Considérant qu'il est constant que la preuve du respect de la formalité d'enregistrement au rectorat de l'ISFO Lyon, prévue par le 4° de l'article des dispositions précitées, laquelle devait en l'espèce être produite alors même que la formation s'adresse à des professionnels de santé, ne figure pas au dossier de cet établissement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'agrément du même établissement comportait des éléments suffisants sur le coût annuel de la formation, sa décomposition et les justificatifs ; que, dans ces conditions, l'agrément a été accordé à l'ISFO Lyon sur la base d'un dossier incomplet ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat français des ostéopathes est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2009 modifié et des décisions individuelles d'agrément du 9 janvier 2009, pour ce qui concerne l'ISOGM, et du 13 mars 2009, pour ce qui concerne l'ISFO Lyon ;

Sur les conséquences de l'annulation :
15. Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s' attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ;
16. Considérant que l'irrégularité de l'agrément d'un établissement de formation est de nature à faire obstacle à ce que l'établissement délivre à ses étudiants un diplôme à l'issue de leur formation ; que, compte tenu de la nature des motifs d'annulation retenus et alors que le Syndicat français des ostéopathes n'établit pas que le ministre chargé de la santé aurait entaché ses décisions d'une erreur d'appréciation au regard de la conformité à la réglementation applicable des formations dispensées par l'ISOGM et l'ISFO Lyon, les conséquences d'une annulation rétroactive des décisions en litige apparaissent manifestement excessives ; que, par ailleurs, les agréments n'ont été délivrés que pour une durée de quatre ans à partir de la date des décisions individuelles et auraient dû faire l'objet, dans les deux cas, d'un renouvellement dans le courant du premier trimestre 2013 ; que, dès lors, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de ne prononcer l'annulation des décisions contestées qu'à compter du 31 décembre 2012 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement au Syndicat français des ostéopathes d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées par le Syndicat appelant sur le même fondement à l'encontre de l'ISOGM et l'ISFO Lyon doivent être rejetées ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions formulées au même titre par ces deux établissements ;

D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par l'ISOGM sont rejetées.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 24 mai 2011 est annulé.
Article 3 : Les décisions des 9 janvier 2009 et 13 mars 2009, accordant respectivement un agrément à l'ISOGM et à l'ISFO Lyon, ainsi que l'arrêté ministériel du 9 mai 2009 sont annulés à compter du 31 décembre 2012.
Article 4 : L'Etat versera au Syndicat français des ostéopathes une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat français des ostéopathes, au ministre des affaires sociales et de la santé, à l'Institut de formation supérieure d'ostéopathie de Lyon et à l'institut supérieur d'ostéopathie du Grand Montpellier.

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