Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 13/07/2012, 350182

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi, enregistré le 16 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; il demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0901370 du 5 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande formée par Mme Aude A tendant à bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire et à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de lui verser la somme correspondante au titre des périodes pendant lesquelles elle a effectué des remplacements en 2006, 2007 et 2008 et l'a renvoyée devant l'administration afin que soit calculé le montant de la nouvelle bonification indiciaire lui étant due au titre de ces périodes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de Mme A ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;

Vu le décret n° 91-1229 du 6 décembre 1991 ;

Vu le décret n° 93-522 du 26 mars 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;




Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A, professeur des écoles, a, au cours des années scolaires 2006-2007 et 2007-2008, exercé ses fonctions d'enseignante en classe d'intégration scolaire réservée aux enfants handicapés à l'école Louis Lechère de Chalon-sur-Saône, en qualité de remplaçante de l'enseignante titulaire alors en congé de maternité du 12 septembre 2006 au 12 janvier 2007 et de maladie du 13 janvier 2007 au 12 février 2007, puis pendant ses stages de formation d'une durée variant d'un jour ou deux jours à une à trois semaines entre septembre 2007 et avril 2008 ; qu'elle a sollicité le 4 septembre 2008 de l'inspecteur d'académie, directeur des services départementaux de l'éducation nationale de Saône-et-Loire, le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions qu'elle avait exercées pour ces périodes ; qu'en l'absence de réponse de l'administration, elle a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à bénéficier de cette indemnité et à ce qu'il soit enjoint aux services de l'éducation nationale d'effectuer le versement correspondant ; que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative se pourvoit en cassation contre le jugement du 5 mai 2011 par lequel le tribunal administratif a renvoyé Mme A devant l'administration afin que soit calculé le montant de la nouvelle bonification indiciaire au titre de toutes les périodes de remplacement effectuées ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 27 de la loi du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 26 mars 1993 relatif aux conditions de mise en oeuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique de l'Etat, cette indemnité " est attachée à certains emplois comportant l'exercice d'une responsabilité ou d'une technicité particulière " ; qu'en application de l'article 2 du même décret, " le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est maintenu aux agents (...) pendant la durée des congés mentionnés aux 1°, 2° et 5° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ainsi qu'au 3° de ce même article tant que l'agent n'est pas remplacé dans ses fonctions " ; que les congés visés aux points 1, 2 et 5 sont les congés annuels, de maladie et pour maternité ou adoption ;

Considérant, enfin, qu'en application de l'article 1er du décret du 6 décembre 1991 ayant fixé les conditions de son attribution dans les services du ministère de l'éducation nationale, " une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte et soumise à cotisation pour le calcul de la pension de retraite, peut être versée mensuellement, dans la limite des crédits disponibles, aux fonctionnaires titulaires du ministère de l'éducation nationale exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret " ; qu'en vertu de l'article 2 du même décret, " la perception de la nouvelle bonification indiciaire est liée à l'exercice des fonctions y ouvrant droit. Elle ne peut se cumuler avec d'autres bonifications indiciaires d'une autre nature (...) " ; qu'au nombre des emplois bénéficiaires correspondant aux fonctions mentionnées en annexe au décret, figurent les fonctions exercées par les " personnels enseignants spécialisés du premier degré chargés de la scolarisation des enfants handicapés ou assurant le secrétariat d'une commission départementale d'éducation spéciale " ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire attribuée pour certains emplois, un fonctionnaire de l'Etat doit, d'une part, occuper l'un de ces emplois en y étant affecté de manière permanente et, d'autre part, exercer effectivement les fonctions attachées à cet emploi ; que le fonctionnaire occupant cet emploi et exerçant les fonctions correspondantes conserve le bénéfice de cette mesure pendant la durée de ses congés de maladie et de maternité ; que le fonctionnaire, qui le remplace pendant ses absences, ne peut être regardé comme occupant cet emploi et y étant affecté de manière permanente ; que, dès lors, il ne peut prétendre à l'octroi de cette bonification, même s'il exerce effectivement les fonctions du titulaire de l'emploi ; qu'il en va de même lorsque ce remplacement est effectué pendant les courtes périodes de formation du titulaire de l'emploi dès lors que, pendant ces périodes, le fonctionnaire conserve cette qualité et qu'il ne peut être regardé comme ayant cessé d'exercer effectivement les fonctions attachées à cet emploi ;

Considérant, dès lors, que le tribunal administratif, en jugeant que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est réservé à l'agent assurant effectivement des fonctions comportant une responsabilité ou une technicité particulières, qu'il soit titulaire du poste ou remplaçant du titulaire du poste, a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que si l'emploi d'enseignant chargé de la scolarisation des enfants handicapés dans une classe d'intégration scolaire est au nombre de ceux qui ouvrent droit à la nouvelle bonification indiciaire, Mme A, qui n'a exercé que temporairement, afin d'assurer la continuité du service public, ces fonctions dans le cadre du remplacement de l'enseignante occupant l'emploi, absente pour cause de congés de maternité ou de maladie, puis à l'occasion de courtes périodes de formation, n'a, compte tenu de ce qui vient d'être dit, pas droit au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire attachée à cet emploi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de Mme A doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées devant le tribunal administratif sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;






D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 5 mai 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'éducation nationale et à Mme Aude A.

ECLI:FR:CESSR:2012:350182.20120713
Retourner en haut de la page