Cour Administrative d'Appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 19/03/2012, 09MA04620, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 décembre 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA04620, présentée pour la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT, dont le siège est Hôtel du Département 1000 rue d'Alen à Montpellier (34087) et la COMMUNE DE LAVERUNE, représentée par son maire, dont le siège est Hôtel de Ville Place de la Mairie à Lavérune (34880), par la SCP Vinsonneau-Palies Noy Gauer et Associes ;


La SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et la COMMUNE DE LAVERUNE demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703563 du 2 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier, à la demande de M. et Mme Gérard A et de M. et Mme Gaston C, a annulé la délibération en date du 29 mars 2007 par laquelle le conseil municipal de Lavérune a approuvé un traité de concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de Pouget et a choisi l'aménageur, ensemble la décision en date du 5 juillet 2007 de rejet de leur recours gracieux en date du 21 mai 2007 et a enjoint à la COMMUNE DE LAVERUNE, si elle n'obtenait pas la résolution amiable du contrat signé avec la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT de saisir le juge du contrat afin d'en faire constater la nullité, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A et M. et Mme C devant le Tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A et M. et Mme C une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la directive 2004/18/CE du 31 janvier 2004 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2012 :

- le rapport de Mme Carotenuto, rapporteur,

- les conclusions de Mme Markarian, rapporteur public,

- et les observations de Me Toumi représentant la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et la COMMUNE DE LAVERUNE ;



Considérant que par une délibération du 12 juin 2006, le conseil municipal de Lavérune a décidé de confier à un aménageur par voie de concession d'aménagement la réalisation d'une zone d'aménagement concerté, destinée à réaliser une extension de la commune sur le secteur situé au sud-ouest de la commune, à mettre en valeur l'environnement et le cadre de vie, à construire environ 130 logements et une maison pour personnes âgées et à réserver un espace pour des équipements publics futurs ; qu'un avis d'appel public à la concurrence a été publié le 15 juillet 2006 ; que par délibération en date du 29 mars 2007, le même conseil municipal a décidé de confier la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Pouget à la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT, d'approuver le traité de concession d'aménagement et d'autoriser le maire à signer ledit traité de concession ; que M. et Mme A et M. et Mme C ont adressé au maire, par une lettre du 21 mai 2007, un recours gracieux tendant au retrait de cette délibération ; que leur demande a été rejetée par une lettre du 5 juillet 2007 ; qu'ils ont alors saisi le Tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de la délibération du 29 mars 2007 ainsi que de la décision de rejet opposée à leur recours gracieux ; que par le jugement attaqué du 2 octobre 2009, le Tribunal administratif a fait droit à leur demande ; que la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et la COMMUNE DE LAVERUNE relèvent appel de ce jugement ;


Sur la recevabilité de la demande présentée devant le Tribunal administratif :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les époux A sont propriétaires de parcelles sises dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté du Pouget ; qu'ils justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité pour à demander l'annulation de la délibération en date du 29 mars 2007 autorisant la signature de la convention d'aménagement de cette zone d'aménagement concerté ;


Sur la légalité de la délibération du 29 mars 2007 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de la loi n° 2005-809 du 20 juillet 2005 : " L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne y ayant vocation. / L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession " ; qu'aux termes de l'article 1er de la directive n° 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 : " 1. Aux fins de la présente directive, les définitions figurant aux paragraphes 2 à 15 s'appliquent. 2 (...) b) Les "marchés publics de travaux" sont des marchés publics ayant pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution des travaux relatifs à une des activités mentionnées à l'annexe I, soit la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d'un ouvrage répondant aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur. Un "ouvrage" est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique (...) 3. La "concession de travaux publics" est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu'un marché de travaux publics, à l'exception du fait que la contrepartie des travaux consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter l'ouvrage soit dans ce droit assorti d'un prix (...) " ; qu'en vertu, respectivement, des articles 7 et 56 de la même directive, dans sa rédaction en vigueur à la date de lancement de la consultation en litige, celle-ci s'applique aux marchés de travaux publics et aux concessions de travaux publics conclus par les pouvoirs adjudicateurs lorsque la valeur hors taxes de ces contrats égale ou dépasse 5 278 000 euros ; que la valeur du marché ou de la concession en cause doit être estimée par rapport au montant des recettes provenant du pouvoir adjudicateur ou des tiers ; qu'enfin, les dispositions des articles 35 et 58 de la directive imposent aux pouvoirs adjudicateurs désireux de passer un marché public ou une concession de travaux publics de publier un avis communautaire ;

Considérant qu'en l'absence de règles nationales légales applicables à la procédure de passation du marché en litige permettant d'assurer une publicité de l'avis d'appel public à la concurrence dans des conditions compatibles avec les objectifs de la directive du 30 avril 2004, dont le délai de transposition a expiré le 31 janvier 2006, il appartenait à la COMMUNE DE LAVERUNE d'assurer une telle publicité compatible avec lesdits objectifs de cette directive ;

Considérant que, par une convention publique d'aménagement signée le 3 avril 2007, la COMMUNE DE LAVERUNE a confié à la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT la réalisation de la zone d'aménagement concerté du Pouget, d'une superficie de près de 5 hectares, portant initialement sur la réalisation de près de 130 logements individuels ou collectifs ainsi que la construction d'un foyer pour personnes âgées de 40 à 50 lits ; que le traité de la concession confie notamment à la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et à la COMMUNE DE LAVERUNE les acquisitions de terrains, les études, la réalisation de divers équipements publics de viabilisation de la zone et, enfin, la cession ou la concession des terrains ou immeubles bâtis ; que la convention prévoit qu'en contrepartie, les charges de l'aménageur seront notamment couvertes par les produits à venir des cessions, des concessions d'usage et des locations de terrains et d'immeubles bâtis mais également par des rémunérations versées par la commune, laquelle s'engage également à verser une participation aux fins d'équilibre économique de l'opération ; qu'en effet si les stipulations de l'article 16.4 de ladite convention précisent que " le montant prévisionnel de la participation du concédant est fixé à 0 euro TTC ", il y est également mentionné (article 16.4.3) que " le montant global de cette participation pourra être révisé par avenant à la présente concession d'aménagement approuvé par délibération de l'assemblée délibérante de la collectivité concédante " ; que l'article 25.3 prévoit également que " le concédant s'engage à modifier le montant de cette participation [prévue à l'article 16.4] pour tenir compte des évolutions qui affecteraient l'un de ces éléments [juridiques et financiers connus au jours de la signature du présent contrat] et ayant des incidences sur les conditions de l'équilibre économique du contrat, que ces évolutions aient leur origine dans une demande spécifique du concédant ou résultent d'une évolution des conditions économiques extérieures aux parties " ; que dans ces conditions, eu égard à l'importance des travaux et au mode de rémunération de l'aménageur qui, en l'espèce, aboutit pour lui à la neutralisation du risque économique, la convention d'aménagement en litige est de nature à présenter le caractère d'un marché public de travaux au sens de l'article 1er précité de la directive 2004/18/CE ;

Considérant que la convention publique d'aménagement litigieuse prévoit pour les recettes venant de tiers les sommes suivantes : 4 492 475 euros HT pour les parcelles individuelles, au minimum 711 000 euros HT pour les logements collectifs, 218 700 euros HT pour la construction d'une maison de retraite, soit un total minimal de 5 422 175 euros HT ; que les sommes versées par la commune pouvant être déterminées dès la passation du contrat sont les suivantes : 60 000 euros HT pour les études, 18 000 euros HT pour la conduite d'opération et au moins 194 547,64 euros pour la commercialisation des terrains et bâtis, soit au total 272 547,64 euros HT ; qu'ainsi, la valeur du contrat au sens de l'article 1er précité de la directive n° 2004/18/CE s'établit à 5 694 722,64 euros HT ; que la valeur de la concession doit être estimée à cette somme, qui excède le seuil de 5 278 000 euros à partir duquel un avis communautaire devait être publié pour lancer la consultation ; qu'il est constant que la COMMUNE DE LAVERUNE a conclu le traité de concession litigieux sans faire publier au préalable un avis communautaire ; que par suite, la délibération du 29 mars 2007 approuvant le traité de concession litigieux, lequel a été établi en méconnaissance des objectifs fixés par la directive n° 2004/18/CE, est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et la COMMUNE DE LAVERUNE ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a annulé la délibération en date du 29 mars 2007 par laquelle le conseil municipal de Lavérune a approuvé un traité de concession d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de Pouget et a choisi l'aménageur, ensemble la décision en date du 5 juillet 2007 de rejet du recours gracieux en date du 21 mai 2007 formé par M. et Mme A et M. et Mme C ;


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant d'une part, qu'en vertu de ces dispositions, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et par la COMMUNE DE LAVERUNE doivent, dès lors, être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et de la COMMUNE DE LAVERUNE une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et M. et Mme C et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative prévoient seulement la mise à la charge d'une des parties à l'instance des frais exposés par une autre partie et non compris dans les dépens ; qu'elles ne sauraient recevoir application au profit ou à l'encontre d'une personne qui a la qualité d'intervenant à l'instance ; que, par suite, les conclusions sus analysées de M. D et autres, intervenants, ne peuvent qu'être rejetées ;







D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et de la COMMUNE DE LAVERUNE est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT et la COMMUNE DE LAVERUNE verseront solidairement à M. et Mme A et M. et Mme C une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de M. D et autres présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE HERAULT AMENAGEMENT, à la COMMUNE DE LAVERUNE, à M. et Mme Gérard A, à M. et Mme Gaston C, à Michel D, à M. Jacques E, à Mme Jeanine F, à Mme Ginette G, à M. Jean-Louis G, à M. Jacques G, à Mme Odile E, à M. Jean-Pierre E, à Mme Françoise H, à Mme Carole I, à Mme Chantal E, à M. Dominique E, à Mme Magali J, à M. et Mme André K, à M. Hubert K, à Mme Sylvie L, à M. M et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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