Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 18/02/2011, 322786

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la BANQUE D'ORSAY, dont le siège est au 21-25, rue Balzac à Paris (75008), M. Eric B, demeurant au ..., M. Gwenaël A, demeurant au ..., et M. Philippe C, demeurant au ... ; la BANQUE D'ORSAY et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 4 septembre 2008 par laquelle la 1ère section de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers a décidé de prononcer un avertissement et une sanction pécuniaire de 300 000 euros à l'encontre de la Banque d'Orsay, un avertissement et une sanction pécuniaire de 25 000 euros à l'encontre de M. Eric B, un avertissement et une sanction pécuniaire de 20 000 euros à l'encontre de M. Gwenaël A, un avertissement et une sanction pécuniaire de 15 000 euros à l'encontre de M. Philippe C et a ordonné la publication de cette décision au Bulletin des annonces légales obligatoires ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer la décision litigieuse et de ramener les sanctions prononcées à une unique sanction pécuniaire d'un montant de 5 000 euros à l'encontre de la Banque d'Orsay ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers le versement de la somme de 10 000 euros à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Raphaël Chambon, Auditeur,

- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'Autorité des marchés financiers ;



Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier : La commission des sanctions peut, après une procédure contradictoire, prononcer une sanction à l'encontre des personnes suivantes : / a) Les personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ; / b) Les personnes physiques placées sous l'autorité ou agissant pour le compte de l'une des personnes mentionnées aux 1° à 8° et 11° à 15° du II de l'article L. 621-9 au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité des marchés financiers en vigueur, sous réserve des dispositions de l'article L. 612-39 ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a notifié, le 22 mai 2006, des griefs à la BANQUE D'ORSAY, à son directeur général délégué, M. B, ainsi qu'à deux autres personnes employées par cet établissement, MM. C et A, à raison notamment d'anomalies constatées lors de l'opération d'arbitrage réalisée par cette banque à l'occasion de l'augmentation de capital de la société Eurodisney au début de l'année 2005 ; que la commission des sanctions de l'AMF a prononcé, le 4 septembre 2008, à l'encontre de chacune des personnes mises en cause, un avertissement ainsi qu'une sanction pécuniaire, d'un montant de 300 000 euros pour la BANQUE D'ORSAY, 25 000 euros pour M. B, 20 000 euros pour M. A et 15 000 euros pour M. C ; que les requérants demandent l'annulation de ces sanctions ainsi que de la décision par laquelle la commission des sanctions en a ordonné la publication ;

Sur la régularité de la décision attaquée :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 12 septembre 2006, le rapporteur de la commission des sanctions désigné pour cette affaire a déposé son rapport, dans lequel il estimait que les manquements contenus dans la notification de griefs étaient constitués et proposait des sanctions à l'encontre de la BANQUE D'ORSAY et de MM. C, A et B ; que la commission des sanctions, réunie le 8 novembre 2007, s'est estimée insuffisamment éclairée pour apprécier le bien-fondé de l'un des griefs et a demandé au rapporteur, sur le fondement des dispositions du II de l'article R. 621-40 du code monétaire et financier, de poursuivre ses diligences ; qu'elle lui a enjoint de solliciter par écrit les observations des personnes mises en cause, du président de l'AMF, pris en sa qualité de président de la commission spécialisée du collège ayant décidé la notification de griefs, et de la société LCH.Clearnet SA, banque centrale de compensation dont les règles de fonctionnement ont été approuvées par décision de l'AMF, sur l'interprétation et la combinaison de certaines de ces règles ; qu'elle lui a également enjoint, après avoir mis chacune des personnes ou autorités ainsi sollicitées à même de répondre aux observations des autres et procédé, le cas échéant, dans les conditions prévues au I de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier, à de nouvelles auditions des personnes mises en cause, de déposer un rapport complémentaire sur le grief en cause ; qu'après que les personnes et autorités sollicitées par le rapporteur conformément à cette décision eurent produit des observations, le rapporteur a déposé son rapport complémentaire le 30 avril 2008 ;

Considérant, en premier lieu, que si les requérants soutiennent que le rapporteur ne pouvait, dans le cadre du supplément d'instruction décidé par la commission des sanctions, procéder aux diligences prévues au I de l'article R. 621-39 du code monétaire et financier, dès lors que le II de l'article R. 621-40 prévoit que le rapporteur auquel la commission des sanctions demande de poursuivre ses diligences doit le faire selon la procédure définie aux II et III de l'article R. 621-39 , ces dernières dispositions n'interdisent pas au rapporteur de procéder à toutes diligences utiles, comme le prévoit le I de l'article R. 621-39, mais imposent seulement que le rapport complémentaire déposé par le rapporteur après avoir procédé à ces diligences additionnelles soit, comme le rapport initial, soumis à la procédure contradictoire prévue aux II et III de l'article R. 621- 39 ; qu'il résulte de l'instruction que cela a été le cas en l'espèce ; que si le I de l'article R. 621-39 prévoit que le rapporteur peut entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile, cette disposition ne saurait être regardée, contrairement à ce qui est soutenu, comme interdisant au rapporteur de solliciter des observations écrites d'une telle personne ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aucune règle ni aucun principe n'interdisait au rapporteur de la commission des sanctions de solliciter les observations des personnes mises en cause et du président de l'Autorité des marchés financiers, pris en sa qualité de président de la commission spécialisée du collège ayant décidé la notification de griefs, sur l'interprétation et la combinaison de certaines des règles de fonctionnement de la société LCH.Clearnet SA ; que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que la commission des sanctions se soit estimée liée par les observations écrites produites par le président de l'AMF en réponse à ce supplément d'instruction ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le rapporteur se soit davantage estimé tenu par ces observations ; que l'avis qu'a exprimé le président de l'AMF sur l'interprétation et la combinaison des règles de fonctionnement de la chambre de compensation LCH.Clearnet SA, qui, ainsi que cela a été dit, ne liait ni le rapporteur ni la commission des sanctions, ne peut être regardé comme l'exercice d'un pouvoir normatif ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que seul le collège de l'AMF avait compétence pour exercer un tel pouvoir ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'intervention du président de l'AMF, autorité de poursuite, au cours de la procédure de sanction méconnaîtrait le principe d'impartialité et entacherait d'irrégularité la décision attaquée doit en tout état de cause être écarté ;

Considérant, enfin, que la circonstance que les observations écrites produites par le président de l'AMF comportent une référence comprenant les initiales du secrétaire général de l'AMF, qui n'établit d'ailleurs pas que ce dernier en soit l'auteur, n'est, en tout état de cause, pas de nature, même rapprochée de celle que les services de l'AMF apportent une assistance technique aux diligences réalisées pour l'instruction d'une affaire, menées sous l'autorité du rapporteur, à entacher l'impartialité de la décision rendue par la commission des sanctions, objet du présent litige ;


Sur le bien-fondé de la décision attaquée :


Considérant que par la décision attaquée, la commission des sanctions a retenu contre la BANQUE D'ORSAY, contre M. B, responsable de l'activité de négociation pour compte propre, ainsi que contre M. A et M. C, au titre de leurs fonctions au département Risque d'arbitrage ayant réalisé l'opération, le grief tenant à la méconnaissance des règles relatives au délai de livraison des titres, en ce qu'elles prescrivent à tout prestataire de service d'investissement habilité, opérant pour compte propre, de ne pas procéder à des ventes de titres sans disposer de l'assurance raisonnable de pouvoir, notamment par le recours à des emprunts de titres, procéder à la livraison des instruments financiers correspondants dans un délai de trois jours à compter de la transaction ; que la commission des sanctions a également retenu, à l'encontre de la BANQUE D'ORSAY, de M. B et de M. A, le grief d'avoir méconnu le calendrier de l'augmentation de capital, ainsi que, à l'encontre de la BANQUE D'ORSAY, celui de ne pas avoir mis en place des procédures de contrôle des services d'investissement ;

En ce qui concerne la méconnaissance du délai de livraison des titres :

S'agissant de la possibilité de sanctionner la méconnaissance du délai :

Considérant que le principe de légalité des délits et des peines, lorsqu'il est appliqué à des sanctions qui n'ont pas le caractère de sanctions pénales, ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l'institution dont elle relève, ainsi que le rappellent les dispositions citées plus haut du II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, selon lesquelles la commission des sanctions peut infliger une sanction aux personnes manquant à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'AMF ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 321-24 du règlement général de l'AMF dans sa rédaction alors applicable, dont les dispositions ont été reprises en substance à l'article 314-3 de ce règlement général, les services d'investissement sont exercés avec diligence, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l'intégrité du marché (...) ; qu'aux termes de l'article 332-32 de ce même règlement général, dont les dispositions ont été reprises à l'article 322-32 : La livraison d'instruments financiers consécutive à une opération effectuée par le prestataire habilité pour compte propre, en relation ou non avec des opérations réalisées par des clients, fait l'objet d'un contrôle systématique de disponibilités en conservation propre, afin d'éviter un défaut de livraison ou d'empêcher l'usage des instruments financiers inscrits au nom de tiers. Faute de disponibilités en conservation propre suffisantes, le teneur de compte conservateur recourt à un emprunt des instruments financiers en cause ; qu'enfin, aux termes de l'article 321-76 dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, dont les dispositions ont été reprises en substance à l'article 314-3 : Le prestataire habilité exerce ses activités dans le respect de l'ensemble des règles organisant le fonctionnement des marchés ; que parmi ces règles figure notamment l'article 4601 du livre I des Règles de marché d'Euronext, alors ainsi rédigé : Les transactions effectuées sur un marché de titres d'Euronext sont compensées conformément aux règles de compensation. Leur règlement-livraison s'effectue via les systèmes désignés par Euronext ; que la chambre de compensation LCH.Clearnet SA est l'un de ces systèmes ; que l'article 4-8-5-1 de ses Règles de fonctionnement, approuvées par décision de l'AMF du 2 mars 2004, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : Le règlement de capitaux et la livraison des instruments financiers, entre les adhérents compensateurs entre eux d'une part, et entre les collecteurs d'ordres et les adhérents compensateurs d'autre part, a lieu dans un délai maximal à partir de la date de la transaction. Ce délai (...) est indiqué dans une instruction ; que pour les achats et ventes au comptant, ce délai est fixé à trois jours par l'article 1er de l'instruction IV.8-1 relative aux délais de règlement et de livraison ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1-7-2-2 des règles de fonctionnement mentionnées plus haut, dans leur rédaction alors applicable : Les suspens peuvent à tout moment faire l'objet d'un rachat ou d'une revente à l'initiative de LCH.Clearnet SA. Ce rachat ou cette revente est réalisée conformément aux procédures de rachats ou de reventes telles que définies dans une instruction, aux risques et aux frais de l'adhérent compensateur défaillant ; qu'aux termes de l'article 1er de l'Instruction IV.8-3 relative aux procédures de régularisation des suspens sur les transactions effectives sur les marchés de valeurs mobilières d'Euronext Paris, en vigueur à l'époque des faits : LCH.Clearnet SA initie un rachat en vue de dénouer toute position ouverte vendeuse (...) le soir du septième jour de compensation suivant la date de dénouement théorique ; que l'article 4 de cette Instruction précise : le soir du septième jour de compensation suivant la date de dénouement théorique (...), l'adhérent compensateur vendeur qui détient un suspens et l'adhérent compensateur acheteur correspondant reçoivent une confirmation [les] informant que la procédure de rachat sera engagée ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions rappelées ci-dessus que, parmi les obligations auxquelles sont soumis les prestataires habilités opérant pour compte propre, figure la livraison des instruments financiers dans un délai de trois jours de bourse à compter de la date de la transaction ; que la méconnaissance de cette obligation n'a pas, contrairement à ce qui est soutenu, comme sanction la procédure de rachat forcé pouvant être engagée par la chambre de compensation le soir du septième jour de compensation suivant la date de dénouement théorique, procédure qui intervient dans le cadre exclusif des relations entre cette chambre et ses adhérents ; que la circonstance que les règles de fonctionnement de la société LCH.Clearnet SA, qui instituent une telle obligation, n'assortissent pas explicitement sa méconnaissance d'une sanction - ce qu'il ne leur appartenait pas de faire - ne fait pas obstacle à ce que le non-respect de cette obligation, qui est au nombre des obligations professionnelles visées au II de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, soit sanctionné sur le fondement de cette disposition législative ; que, ni le principe de légalité des délits et des peines, ni celui de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère, ne fait obstacle à ce qu'à la faveur de la première application d'une règle applicable à la date des faits litigieux, la commission des sanctions précise sa portée et en fasse application aux faits à l'origine des manquements qu'elle sanctionne, dès lors qu'à la date des faits litigieux, la règle en cause est suffisamment claire, de sorte qu'il apparaisse de façon raisonnablement prévisible par les professionnels concernés, eu égard aux textes définissant leurs obligations professionnelles et à l'interprétation en ayant été donnée jusqu'alors par l'AMF ou la commission des sanctions, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations, susceptible comme tel d'être sanctionné en application de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ;

Considérant qu'en l'espèce, la règle méconnue est dénuée d'ambiguïté et qu'il résulte de l'instruction qu'elle était connue des professionnels ; que ni la circonstance que sa méconnaissance par un prestataire de services d'investissement opérant pour compte propre n'avait pas encore été sanctionnée, ni le fait que la commission des sanctions ait ordonné un supplément d'instruction afin de soumettre au débat contradictoire la question de l'articulation entre la règle de livraison des titres dans un délai de trois jours et la procédure de rachat forcé pouvant être engagée par la chambre de compensation, ne font obstacle à ce que la sanction de sa méconnaissance puisse être regardée comme ayant été raisonnablement prévisible ; que, par suite, en estimant que le défaut de livraison des titres avant l'expiration du délai de trois jours constituait un manquement, susceptible d'être sanctionné, aux obligations définies aux articles 321-24, 332-32 et 321-76 du règlement général de l'AMF dans leur version alors applicable, ainsi que par les règles relatives au dénouement des opérations auxquelles renvoient ces dispositions, la commission des sanctions n'a méconnu ni le principe de légalité des délits et des peines ni celui de non rétroactivité de la loi répressive plus sévère ;

S'agissant de la caractérisation du manquement en l'espèce :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la BANQUE D'ORSAY a rencontré des difficultés lors de l'exécution d'une opération d'arbitrage pour compte propre consistant à acheter des droits de souscription aux actions Euro Disney à émettre en février 2005 et à vendre à découvert, par anticipation, des actions existantes ; que la commission des sanctions n'a pas commis d'erreur de fait en estimant qu'au plus tard à compter du 4 février 2005, compte tenu tant de l'assèchement des possibilités d'emprunts que de la très forte hausse corrélative des taux auxquels avaient été réalisés les derniers emprunts, la BANQUE D'ORSAY ne disposait plus de l'assurance raisonnable de pouvoir procéder en temps voulu à la livraison des titres qu'elle vendrait à découvert ; qu'il résulte de l'instruction que la banque n'en a pas moins poursuivi ses achats de droits de souscription jusqu'au dernier jour de leur cotation, soit le 8 février 2005, augmentant de plus de 35 % entre ces deux dates sa position acheteuse en droits de souscription ainsi que, corrélativement, sa position vendeuse de titres existants ; que, par suite, la commission des sanctions a pu, à bon droit, estimer que le manquement tenant au dépassement du délai de livraison était caractérisé ; qu'il résulte de l'instruction que de surcroît, à plusieurs reprises à compter du 9 février 2005, la banque a demandé et obtenu l'exécution d'ordres d'achat qui se sont appariés à des ordres de vente pour des quantités et des prix identiques, qu'elle avait elle-même transmis à quelques secondes d'intervalle à des membres négociateurs distincts ; que, compte tenu des éléments qu'elle avait relevés, la commission des sanctions n'a pas porté une appréciation erronée en estimant que l'exécution de ces ordres avait eu pour objet et pour effet de masquer la méconnaissance du délai de livraison de trois jours ; que la circonstance que les opérations fictives reprochées à la banque auraient été sans incidence sur la procédure de rachat forcé des titres par LCH.Clearnet SA, prévue par l'instruction IV.8.4 de LCH.Clearnet SA, est dépourvue d'incidence sur l'appréciation du manquement ainsi constitué ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que MM. C et A étaient directement responsables de la réalisation de l'opération d'arbitrage ; que M. B, en tant que responsable direct de l'activité de négociation pour compte propre, aurait dû prendre des mesures pour empêcher les agissements en cause ou les faire cesser après en avoir été informé ; que, par suite, c'est à bon droit que la commission des sanctions a retenu leur responsabilité dans le manquement relatif au délai de livraison commis par la BANQUE D'ORSAY ;


En ce qui concerne la méconnaissance du calendrier de l'augmentation du capital :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la période de souscription de l'augmentation de capital était ouverte du 31 janvier au 8 février 2005 ; qu'il n'est pas contesté que la BANQUE D'ORSAY a arrêté le montant de sa propre souscription à titre réductible au-delà de la date de clôture de la souscription ; qu'il lui est reproché de n'avoir en conséquence pas respecté l'obligation qui lui est faite, ainsi qu'à tous les prestataires habilités, d'agir avec équité dans le respect de l'intégrité du marché ; que, si les requérants soutiennent que la banque n'a bénéficié d'aucune information supplémentaire par rapport aux autres investisseurs et donc d'aucun avantage, la commission des sanctions a pu, à bon droit, relever que la circonstance, à la supposer établie, qu'elle n'aurait en fait pas mis à profit le retard, dont elle s'est accordé à elle-même le bénéfice, pour ajuster le montant de sa souscription à titre réductible en fonction d'informations nouvelles, dont les autres actionnaires n'auraient pas disposé, était sans influence sur le principe de la caractérisation du manquement ; que la commission des sanctions pouvait, à bon droit, estimer également que la circonstance que l'établissement centralisateur, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'il ait pu avoir connaissance de ce que la BANQUE D'ORSAY avait modifié le montant de sa propre souscription après la date de clôture de l'opération, ait accepté l'ordre de souscription de la BANQUE D'ORSAY était sans incidence sur la caractérisation du manquement ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. A a joué un rôle direct dans la fixation tardive du montant de la souscription à titre réductible de la BANQUE D'ORSAY à l'augmentation de capital d'Euro Disney ; que M. B a nécessairement exercé ou aurait dû exercer un contrôle sur cette décision ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est également à bon droit que la commission des sanctions a retenu la responsabilité de MM. A et B dans le manquement relatif au calendrier de l'opération de capital ;

En ce qui concerne le défaut de contrôle des services d'investissement :

Considérant qu'aux termes de l'article 332-34 du règlement général de l'AMF dans sa version alors applicable, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article 322-34 : Tout mouvement d'instruments financiers en conservation non effectué dans les délais fixés par les règles des marchés ou des systèmes de règlement-livraison est détecté immédiatement par le système d'information et porté à la connaissance du service concerné aux fins de régularisation ; qu'aux termes de l'article 332-52 de ce même règlement général, également dans sa version alors applicable, dont les dispositions sont désormais reprises en substance à l'article 322-52 : Le responsable du contrôle des services d'investissement s'assure de l'efficacité des procédures de gestion prévisionnelle des flux d'instruments financiers et d'espèces destinées à prévenir les suspens et les infractions aux prescriptions du 2° de l'article 332-4. Au cas où néanmoins des suspens se produiraient, le responsable du contrôle des services d'investissement en vérifie les conditions et les délais d'apurement ; qu'il résulte de l'instruction que le responsable du contrôle des services d'investissement de la banque n'a pas été alerté, alors même qu'avaient été constatés l'extrême difficulté d'emprunter des titres et le coût des rares emprunts possibles ; que malgré ces constats, il a été décidé de poursuivre l'opération et d'en accroître la taille ; que, par suite, c'est à bon droit que la commission des sanctions a retenu un manquement, imputable à la BANQUE D'ORSAY, tiré du défaut de contrôle des services d'investissement ;

En ce qui concerne les sanctions prononcées :

Considérant qu'en fixant à un montant respectif de 300 000, 25 000, 20 000 et 15 000 euros les sanctions pécuniaires infligées à la BANQUE D'ORSAY, à M. B, à M. A et à M. C, la commission des sanctions n'a pas méconnu, eu égard à la nature et à la gravité des manquements reprochés, le principe de proportionnalité des peines ; que la circonstance que la commission des sanctions aurait prononcé des sanctions moindres dans des affaires comparables est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de la décision attaquée ;

Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la BANQUE D'ORSAY, aux droits de laquelle vient désormais la société Oddo et Cie, M. B, M. A et M. C ne sont pas fondés à demander l'annulation ni la réformation de la sanction qui leur a été infligée ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Oddo et Cie, de M. B, de M. A et de M. C le versement à l'Autorité des marchés financiers d'une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de la société Oddo et Cie tendant à ce que son nom ne soit pas mentionné dans la présente décision :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1 (...) / Elle contient le nom des parties (...) ;

Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société Oddo et Cie vient aux droits de la BANQUE D'ORSAY et succède donc à celle-ci en qualité de partie à l'instance ; que, dès lors que ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce les conditions tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou au respect de l'intimité des personnes ou de secrets protégés par la loi auxquelles l'article L. 731-1 du code de justice administrative subordonne la possibilité de déroger au principe de publicité des audiences énoncé à l'article L. 6 du même code, ce principe, ainsi que celui de publicité des jugements figurant à l'article L. 10, impliquent nécessairement que toute personne puisse obtenir copie de la présente décision ; qu'il suit de là que les conclusions mentionnées ci-dessus de la société Oddo et Cie ne peuvent être accueillies ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la BANQUE D'ORSAY et autres est rejetée.

Article 2 : La société Oddo et Cie, M. B, M. A et M. C verseront chacun à l'Autorité des marchés financiers une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Oddo et Cie, à M. Eric B, à M. Gwenaël A, à M. Philippe C et à l'Autorité des marchés financiers.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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