Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 28/12/2007, 298626, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°/, sous le n° 298626, la requête, enregistrée le 7 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Samuel M. B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 31 août 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de son père, M. Bosco A, dirigé contre la décision du ministre des affaires étrangères lui refusant un visa de long séjour d'entrée en France ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de lui délivrer un visa de long séjour en sa qualité d'enfant de réfugié statutaire, dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu 2°/, sous le n° 298627, la requête, enregistrée le 7 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bosco A, demeurant ...) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 31 août 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du ministre des affaires étrangères d'accorder des visas de long séjour d'entrée en France à ses enfants mineurs, Georges et Love B ;

2°) d'enjoindre au ministre des affaires étrangères de délivrer à ses enfants des visas de long séjour en leur qualité d'enfants de réfugié statutaire, dans un délai de 8 jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000, modifié ;
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;


Considérant que les requêtes de M. Bosco A et de M. B sont dirigées contre le même refus ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;

Considérant que M. Bosco A, ressortissant ougandais ayant la qualité de réfugié depuis le 4 mai 1984, et M. Samuel M. B demandent l'annulation de la décision du 31 août 2006 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision refusant la délivrance de visas de long séjour sollicités pour les enfants Samuel, né le 15 août 1987, George et Love, nés le 15 décembre 1990 à Kumusi au Ghana ;

Considérant que les principes généraux du droit applicables aux réfugiés, résultant notamment de la convention de Genève, imposent, en vue d'assurer pleinement au réfugié la protection prévue par cette convention, que la même qualité soit reconnue aux enfants mineurs de ce réfugié à la condition toutefois que le lien de filiation soit établi ;

Considérant que la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant que, pour rejeter le recours de M. A, la commission de recours s'est fondée sur ce que le père allégué des enfants s'était déclaré célibataire lors de sa demande de statut de réfugié et sur ce que la preuve n'avait pas été apportée que la mère des trois enfants, ressortissante ghanéenne, avait renoncé à ses droits parentaux ou était décédée ; que ces motifs ne pouvaient, à eux seuls, justifier que la qualité d'enfants mineurs de réfugié fût déniée aux trois enfants ;

Considérant cependant que, pour établir que la décision attaquée était légale, le ministre des affaires étrangères demande, dans son mémoire en défense communiqué aux requérants, que soit substitué à ce motif celui tiré de ce que les liens de filiation entre M. A et les trois enfants ne pouvaient être tenus pour établis ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les actes de naissance des trois enfants n'ont été établis que le 20 décembre 2002 pour George et Love, sur déclaration de leur mère supposée, et le 21 août 2003 pour Samuel, sur déclaration du seul M. A , soit respectivement 12 et 16 années après leur naissance et peu de temps avant le dépôt, le 27 avril 2004, de la demande de regroupement familial ; que la circonstance que les enfants aient été déclarés comme enfants à charge par M. A dans ses déclarations de revenus à partir de 2004 ne saurait établir la réalité du lien de filiation ; qu'ainsi, le ministre des affaires étrangères et européennes a pu estimer que les documents produits à l'appui des demandes de visas sollicités pour Samuel, George et Love ne présentaient pas de garantie suffisante d'authenticité pour établir la réalité des liens ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la même décision aurait été prise si la commission s'était fondée sur ce dernier motif ; qu'il y a lieu, dès lors, de procéder à la substitution demandée ;

Considérant qu'en l'absence d'établissement du lien de filiation entre ces enfants et M. B, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le droit à une vie privée et familiale normale des intéressés garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A et M. B ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; que, par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M. A et de M. B sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Bosco A, à M. B et au ministre des affaires étrangères et européennes.



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