Conseil d'Etat, 2ème et 1ère sous-sections réunies, du 12 décembre 2003, 235234, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu 1°/, sous le n° 235234, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juin et 24 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Y... , demeurant ... ; M. demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de rejet née du silence gardé pendant deux mois par le Premier ministre sur sa demande présentée le 11 avril 2001 et tendant à l'abrogation de l'article D. 821-8 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 6 du décret n° 98-1172 du 22 décembre 1998, en tant que cet article n'inclut pas les autorisations provisoires de séjour dans la liste des titres de séjour et documents justifiant la régularité du séjour en France d'une personne de nationalité étrangère pour le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés ;

Vu 2°/, sous le n° 237932, la requête, enregistrée le 5 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X... , demeurant ... ; Mme demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision de rejet née du silence gardé pendant deux mois par le Premier ministre sur sa demande présentée le 10 juillet 2001 et tendant à l'abrogation de l'article D. 821-8 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 6 du décret n° 98-1172 du 22 décembre 1998, en tant que cet article n'inclut pas les autorisations provisoires de séjour dans la liste des titres de séjour et documents justifiant la régularité du séjour en France d'une personne de nationalité étrangère pour le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;

Vu le code de la sécurité sociale, modifié notamment par la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 et par le décret n° 98-1172 du 22 décembre 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme de Margerie, Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;


Considérant que les requêtes de M. et de Mme présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les interventions de l'association Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : L'intervention est formée par mémoire distinct ; que les interventions de l'association Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits ont été présentées non par mémoires distincts mais dans les requêtes de M. et de Mme ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'emploi et de la solidarité et par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;

Considérant que la subordination du bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés à la condition de régularité du séjour en France résulte des termes même des dispositions de l'article L. 821-9 du code de la sécurité sociale ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'apprécier la conformité de ces dispositions législatives à la Constitution ;

Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; que le législateur, en subordonnant à une condition de régularité du séjour le bénéfice, pour les étrangers, de l'allocation aux adultes handicapés, a entendu tenir compte de la différence de situation entre les étrangers selon qu'ils satisfont ou non aux conditions de régularité du séjour posées tant par la loi que par les engagements internationaux souscrits par la France ; qu'il s'est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts de la loi ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions législatives posant cette condition seraient incompatibles avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998, peuvent bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés les personnes de nationalité étrangère titulaires d'un des titres de séjour ou documents justifiant la régularité de leur séjour en France ; qu'aux termes du même article : La liste de ces titres et documents est fixée par décret ;

Considérant qu'en fixant la liste des titres et documents justifiant la régularité du séjour pour l'application des dispositions de l'article L. 821-9 du code de la sécurité sociale, et en ne mentionnant pas dans cette liste les autorisations provisoires de séjour, le Gouvernement n'a méconnu ni l'étendue de l'habilitation qui lui avait été donnée par le législateur, ni la portée des prescriptions législatives dont il était chargé d'assurer l'application ;

Considérant que, s'agissant de prestations de nature différente, le Gouvernement pouvait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, établir des listes différentes des titres et documents justifiant de la régularité du séjour d'une personne de nationalité étrangère pour l'affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale, d'une part, et pour le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés, d'autre part ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions par lesquelles le Premier ministre a rejeté leurs demandes tendant à l'abrogation de l'article D. 821-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 du décret du 22 décembre 1998 ;


D E C I D E :

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Article 1er : Les interventions de l'association Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits ne sont pas admises.

Article 2 : Les requêtes de M. et de Mme sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y... , à Mme X... , à l'association Collectif des accidentés du travail, handicapés et retraités pour l'égalité des droits, au Premier ministre, au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


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