Conseil d'Etat, 3 SS, du 5 septembre 2001, 227263, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée le 17 novembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE qui demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 27 septembre 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 mars 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. M'Baye X... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Hédary, Auditeur,

- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., qui est de nationalité sénégalaise, s'est maintenu sur le territoire national plus d'un mois à compter de la notification, le 3 juillet 1998, de l'arrêté du 26 juin 1998 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que pour demander l'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... a fait valoir devant le tribunal administratif qu'il résidait en France depuis 1983 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. X... est célibataire, sans enfant, ne justifie d'aucune activité professionnelle et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Sénégal ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X... n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur un tel motif pour annuler l'arrêté du 26 mars 1999 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen présenté par M. X... devant le premier juge ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis 3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 11 mai 1998 : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie familiale" est délivrée de plein droit ( ...) 3° à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant" ; que M. X... justifie par des documents nombreux, précis et concordants résider habituellement en France depuis 1987 ; qu'il n'a quitté le territoire français que pour un court séjour dans son pays d'origine où il est retourné, sur l'indication de l'administration, dans l'intention de régulariser sa situation ; qu'ainsi à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière M. X... justifiait d'une présence continue en France de dix ans ; que, par suite, il est fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste méconnaît les dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitées et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour condamner l'Etat àverser à M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 27 septembre 2000 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du PREFET DE POLICE est rejeté ainsi que les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. M'Baye X... et au ministre de l'intérieur.
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