Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 20 novembre 1996, 123267, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février 1991 et 23 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat présentés par le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 12 décembre 1990 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a déchargé M. Caviggia du complément d'impôt sur le revenu auquel il avait été assujettti au titre de l'année 1981 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 93 du code général des impôts applicable à la détermination des bénéfices non commerciaux : "Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ..." ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Caviggia s'est livré, durant les dix dernières années de son activité de notaire, à des opérations d'entremise portant sur des prêts hypothécaires, notamment au profit de promoteurs immobiliers ; qu'en raison de la défaillance de certains emprunteurs, il a été condamné, solidairement avec la caisse régionale de garantie des notaires, au remboursement de créances impayées et au paiement de dommages-intérêts aux prêteurs, qui étaient des clients de son étude, et a dû payer à la caisse de garantie, subrogée dans les droits de ces derniers, une somme de 401 000 F, que l'administration a refusé de regarder comme une dépense déductible de ses revenus professionnels ;

Considérant que les opérations d'entremise portant sur la réalisation de prêts hypothécaires ne sont pas étrangères à l'exercice de la profession de notaire ; qu'il s'ensuit que les pertes subies à l'occasion de telles opérations constituent des dépenses nécessitées par l'exercice de la profession, au sens du 1. de l'article 93 du code général des impôts, sauf si elles ne correspondent pas à un risque lié à l'exercice normal de la profession ; qu'en l'espèce, la cour administrative d'appel, après avoir relevé qu'en s'abstenant de vérifier certaines inscriptions hypothécaires et en manquant à son obligation de conseil à l'égard de certains de ses clients, M. Caviggia avait commis des fautes présentant un caractère grave et intentionnel, n'a pu légalement déduire des faits, ainsi souverainement appréciés par elle, que les opérations d'entremise effectuées par l'intéressé étaient cependant susceptibles de se rattacher à l'exercice normal de sa profession et que les pertes qu'il avait subies, de leur chef, avaient la nature de dépenses nécessitées par cet exercice, au sens du 1. de l'article 93 du code général des impôts précité ; que son arrêt doit, dès lors, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, d'une part, que, eu égard aux comportements ci-dessus décrits de M. Caviggia, les pertes qu'il a subies ne peuvent être regardées comme des dépenses nécessitées par l'exercice de la profession, au sens du 1. de l'article 93 du code général des impôts précité ;

Considérant, il est vrai, que M. Caviggia se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, des termes de la réponse ministérielle à M. X..., député, du 15 janvier 1931 ;

Mais considérant que cette réponse, selon laquelle un notaire qui a reçu un acte pour un prêt réalisé par lui au profit d'un emprunteur, dont la garantie hypothécaire est absorbée par d'autres créanciers, peut, s'il rembourse personnellement le prêteur et pour couvrir sa responsabilité, déduire, en plus des intérêts payés par lui, le capital remboursé de ses bénéfices professionnels, n'est pas applicable au cas de M. Caviggia ; que celui-ci ne peut donc en invoquer le bénéfice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Caviggia n'est pas fondéà soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 mars 1988, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1981 ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 12 décembre 1990 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. Caviggia devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. Pierre Caviggia.
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