Conseil d'Etat, 8 / 9 SSR, du 3 mars 1993, 81873, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 9 septembre 1986 et 9 janvier 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule du 9 juillet 1986 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre de l'année 1980 ;

2°) lui accorde la décharge de l'imposition contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Bachelier, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Patrick X...,

- les conclusions de M. Fouquet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X..., la notification de redressements qui lui a été adressée le 21 mai 1982 mentionnait la faculté offerte au contribuable de se faire assister d'un conseil ;

Sur le bien-fondé de l'impôt :

Considérant que M. X... conteste la réintégration dans ses revenus imposables de l'année 1980 de la part, correspondant à ses droits sociaux, de la plus-value immobilière réalisée par la société civile immobilière "Hôtel de la Résidence" lors de la cession le 12 décembre 1980 de l'immeuble qu'elle avait fait construire ;

Considérant, en premier lieu, que M. X... n'apporte aucun élément de nature à établir d'une part la nullité, dont il se prévaut, du contrat de la société civile immobilière et d'autre part le fait qu'il aurait perdu la qualité d'associé de cette société ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 35 A du code général des impôts applicable à l'année d'imposition : "Les profits réalisés par les personnes qui cèdent des immeubles ou fractions d'immeubles bâtis ... qu'elles ont acquis ou fait construire depuis plus de deux ans mais depuis moins de dix ans, sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux, à moins que ces personnes justifient que l'achat ou la construction n'a pas été fait dans une intention spéculative ..." ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... a constitué le 20 janvier 1976 avec deux autres associés la société civile immobilière "Hôtel de la Résidence" ; que cette société, dans laquelle il détenait 25 % des parts, a construit en 1977 à Megève un hôtel qui a été donné à bail à la société anonyme "Hôtel de la Résidence" chargée de son exploitation et dont les actionnaires étaient également les porteurs de parts de la société civile ; qu'à la suite des grves difficultés rencontrées par la société anonyme la liquidation des biens de celle-ci a été prononcée le 1er octobre 1980 ; que la société civile immobilière a alors procédé à la cession de l'hôtel le 12 décembre suivant ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que son objet social ne portait pas seulement sur la construction de biens immobiliers et leur exploitation par bail mais autorisait plus généralement la réalisation de toutes opérations immobilières, M. X... justifie que, dans les conditions où elle a été effectuée, la construction de l'hôtel par la société, qui n'a réalisé que cette seule opération, a été faite en vue de permettre son exploitation par la société anonyme et non dans l'intention de la revendre ; que dès lors il est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé sur le fondement des dispositions précitées de l'article 35 A du code général des impôts la plus-value réalisée lors de la cession de l'hôtel ;

Mais considérant que l'administration est en droit à tout moment de la procédure contentieuse de demander qu'une nouvelle base légale soit substituée à celle qui a été primitivement invoquée par le service sous réserve de ne priver le contribuable d'aucune garantie de procédure ;

Considérant que le ministre ne peut se prévaloir des dispositions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts dès lors que n'ayant pas réalisé d'opérations entrant dans les prévisions de cet article, la société civile immobilière "Hôtel de la Résidence" ne peut être regardée comme ayant eu la qualité de marchand de biens la rendant passible de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du même code ; que, par suite, il n'est pas fondé à demander que les sommes perçues par M. X... soient regardées comme des revenus distribués par la société civile immobilière ;

Considérant toutefois que le ministre se prévaut également à titre subsidiaire des dispositions de l'article 150 A du code général des impôts aux termes desquelles : "Sous réserve des dipositions particulières qui sont propres aux bénéfices professionnels et aux profits de construction, les plus-values effectivement réalisées par des personnes physiques ou des sociétés de personnes lors de la cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature sont passibles : ... 2°) de l'impôt sur le revenu suivant les règles particulières définies aux articles 150 B à 150 T, selon que ces plus-values proviennent : a. De biens immobiliers cédés plus de deux ans et moins de dix ans après l'acquisition ..." ; que ces dispositions s'appliquent à toutes les plus-values qu'elles visent alors même que celles-ci ne résulteraient pas de la cession de biens ou de droits acquis dans une intention spéculative ; que, par suite, et dès lors que la substitution de base légale qu'il propose ne prive le contribuable d'aucune garantie de procédure, le ministre est fondé en défense à justifier sur ce fondement le principe de l'imposition de la plus-value réalisée par M. X... ; que la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle M. X... a été assujetti doit être calculée sur la base d'une plus-value taxable d'un montant non contesté de 93 650 F et non de 601 001 F, montant retenu sur le fondement de l'article 35 A du code général des impôts ;

Sur les pénalités :

Considérant que les droits dont M. X... est redevable ont été assortis des intérêts de retard lesquels sont exclusifs de toute appréciation sur la bonne foi du contribuable ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à prétendre qu'en raison de sa bonne foi les pénalités qui lui ont été appliquées ne sont pas dues ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est partiellement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est régulier en la forme, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il est resté assujetti au titre de l'année 1980 ;
Article 1er : La plus-value imposable entre les mains de M. X... pour l'année 1980 est fixée à 93 650 F.
Article 2 : M. X... est déchargé en droits et pénalités de ladifférence entre le supplément d'impôt sur le revenu auquel il est resté assujetti au titre de l'année 1980 et celui qui résulte de l'article 1 de la présente décision.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble endate du 9 juillet 1986 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick X... et au ministre du budget.
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