Conseil d'Etat, 7 8 9 SSR, du 25 octobre 1991, 114760, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET enregistré le 9 février 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 7 avril 1988 par lequel le tribunal administratif de Versailles a accordé à M. Jean-Pierre X... décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974 et 1975 dans les rôles de la commune de Saint-Ouen-l'Aumone (Val d'Oise),

2°) de remettre à la charge de M. Jean-Pierre X... l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle de cet impôt qui lui ont été assignées sous les articles 50 003, 50 004 et 60 001 mis en recouvrement le 28 février 1982 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :

- le rapport de M. Ménéménis, Maître des requêtes,

- les observations de Me Parmentier, avocat de M. Jean-Pierre X...,

- les conclusions de Mme Hagelsteen, Commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 41 du code général des impôts : "La plus-value du fonds de commerce (éléments corporels et incorporels), constatée à l'occasion du décès de l'exploitant ou de la cession ou de la cessation par ce dernier de son exploitation, n'est pas comprise dans le bénéfice imposable lorsque l'exploitation est continuée, soit par un ou plusieurs héritiers ou successibles en ligne directe ou par le conjoint survivant, soit par une société en nom collectif, en commandite simple ou à responsabilité limitée constituée exclusivement, soit entre lesdits héritiers ou successibles en ligne directe, soit entre eux et le conjoint survivant ou le précédent exploitant" ;

Considérant qu'après le décès de son époux, qui dirigeait une clinique médicale à Villecresnes, Mme André X... a d'abord exploité cet établissement au nom de l'indivision successorale existant entre elle-même et ses cinq enfants dont M. Jean-Pierre X... ; que cette exploitation a cessé sous cette forme le 31 décembre 1975 ; que si elle a été continuée par la société à responsabilité limitée "Clinique diététique de Villescresnes" qui a reçu en apports tous les autres éléments du fonds de commerce, il est constant que l'immeuble de la clinique n'a pas été apporté à cette société à responsabilité limitée, mais qu'il est entré dans le patrimoine privé des indvisaires à la suite de la cessation de l'exploitation par l'indivision, avant d'être apporté par ceux-ci à la "société immobilière du ..." ; que, dès lors, la plus-value née du retour de l'immeuble dans le patrimoine privé des indivisaires ne rentrait pas dans les prévisions des dispositions précitées de l'article 41 du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, que M. Jean-Pierre X... invoque le bénéfice de la réponse ministérielle à M. Y..., en date du 6 octobre 1976, qui prévoit que les plus-values latentes incluses dans les immobilisations corporelles non comprises dans l'apport n'ont pas à être constatées si elles demeurent imposables dans le cadre de l'activité poursuivie par l'apporteur, notamment en cas de participation du bailleur aux résultats de la société locataire ; que, toutefois, cette doctrine administrative est postérieure à l'expiration du délai de déclaration prévu par l'article L.201-3 du code général des impôts ; que, par suite, M. Jean-Pierre X... ne saurait utilement se prévaloir, sur le fondement du 2ème alinéa de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de cette doctrine administrative ;

Sur le moyen relatif à l'année d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 38-1 du code général des impôts : " ... Le bénéfice imposable est le bénéfice net déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation" ; qu'aux termes de l'article 201-1 du même code : "dans le cas de cession ou de cessation, en totalité ou en partie, d'une entreprise commerciale, industrielle ... dont les résultats sont imposés d'après le régime du bénéfice réel, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices réalisés dans cette entreprise ....et qui n'ont pas encore été imposés, est immédiatement établi" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de cession ou de cessation d'entreprise, les plus-values résultant de la sortie du patrimoine de l'entreprise des éléments d'actif inscrits à son bilan et de l'entrée concomitante de ces mêmes éléments dans le patrimoine privé du ou des exploitants, doivent être rattachées pour leur imposition à l'exercice au terme duquel intervient cette cession ou cette cessation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise commerciale gérée par l'indivision, et qui était propriétaire à la fois des éléments du fonds de commerce et de l'immeuble de la clinique, a cessé le 31 décembre 1975 ; qu'à cette date, l'immeuble dans lequel était exploitée la clinique a figuré pour la dernière fois à l'actif de l'indivision dans le bilan de clôture et n'est entré dans le patrimoine civil d'une société immobilière constituée entre les intéressés que le 1er février 1976, date de constitution de cette société ; que c'est par suite à bon droit, en application des dispositions susmentionnées du code général des impôts, que la plus-value relative à cet immeuble, née de la cessation d'activité intervenue le 31 décembre 1975, a été soumise à l'impôt au titre de l'exercice 1975 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 7 avril 1988, le tribunal administratif de Versailles a accordé à M. Jean-Pierre X... décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu ainsi que des majorations exceptionnelles auxquelles il a été assujetti au titre des années 1974 et 1975 ;

Sur les conclusions de M. Jean-Pierre X... tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 7 avril 1988 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de majoration exceptionnelle de cet impôt auxquelles M. Jean-Pierre X... a été assujetti au titre des années 1974 et 1975 par les articles de rôle n os 50 003, 50 004 et 60 001 sont remises intégralement à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de M. Jean-Pierre X... tendant àl'application de l'article 1er de décret du 2 septembre 1988 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre X... et au ministre délégué au budget.
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