Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, du 18 décembre 1998, 96LY00934, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistré au greffe de la cour le 17 avril 1996, le recours présenté par le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE ;

Le ministre demande à la cour :

1 ) d'annuler le jugement en date du 4 janvier 1996 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé une décision du ministre de l'éducation nationale refusant à Mme Y... le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ;

2 ) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n 77-1285 du 25 novembre 1977 ;

Vu la loi n 91-73 du 18 janvier 1991 ;

Vu le décret n 78-252 du 8 mars 1978 modifié par le décret n 81-232 du 3 mars 1981 ;

Vu le décret n 91-1229 du 6 décembre 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 1998 :

- le rapport de M. BOUCHER, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. BERTHOUD, commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 15 ajouté à la loi du 31 décembre 1959 par la loi du 25 novembre 1977 : "Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat ..." et qu'aux termes de l'article 2 du décret du 8 mars 1978 modifié : "Les maîtres contractuels ou agréés mentionnés à l'article 1er du présent décret ont droit, après service fait, à une rémunération comportant le traitement brut déterminé en application des dispositions du décret susvisé du 10 mars 1964, les suppléments pour charges de famille et l'indemnité de résidence ainsi que tous autres avantages ou indemnités attribués par l'Etat aux personnels de l'enseignement public" ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 6 décembre 1991 instituant la nouvelle bonification indiciaire dans les services de l'éducation nationale : "Une nouvelle bonification indiciaire ... peut être versée ... aux fonctionnaires titulaires du ministère de l'éducation nationale exerçant une des fonctions figurant en annexe au présent décret" et qu'aux termes de l'article 2 du même décret : "La perception de la nouvelle bonification indiciaire est liée à l'exercice des fonctions y ouvrant droit" ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la nouvelle bonification indiciaire constitue l'un des avantages dont peuvent se prévaloir les maîtres contractuels et agréés des établissements d'enseignement privés sous contrat, sans qu'y fassent obstacle la circonstance que les textes instituant ladite bonification en réservent le bénéfice aux seuls agents titulaires de l'éducation nationale et le fait que son versement soit lié non au grade détenu ou au corps d'appartenance mais à la nature des fonctions exercées ; que, par suite, le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, refuser le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire à Mme Y..., qui exerce au lycée d'enseignement professionnel "Renouveau" de Saint-Etienne, établissement d'enseignement privé sous contrat d'association, des fonctions de chef de travaux ouvrant droit à ladite bonification ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé pour excès de pouvoir la décision par laquelle il a refusé à Mme Y... le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ; qu'aux termes de l'article L.8-3 du même code : "Saisi de conclusions en ce sens, le tribunal ou la cour peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application de l'article L.8-2 d'une astreinte qu'il prononce dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L.8-4 et dont il fixe la date d'effet" ;

Considérant que l'annulation par le jugement attaqué de la décision du ministre de l'éducation nationale refusant à Mme Y... le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire confirmée par le présent arrêt, implique nécessairement que l'administration procède à la liquidation et au paiement à l'intéressée du rappel de rémunération qui lui est dû au titre de la nouvelle bonification indiciaire à compter de la date à laquelle elle pouvait prétendre à cet avantage ; qu'il y a lieu dès lors d'enjoindre à l'Etat (ministre de l'éducation nationale) de procéder à cette liquidation et à ce paiement dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu, en application des dispositions susmentionnées, de condamner l'Etat, partie perdante, à verser à Mme X... une somme de 5 000 francs au titre des frais non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EDUCATION NATIONALE, DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE est rejeté.
Article 2 : Il est enjoint à l'Etat (ministre de l'éducation nationale) de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à la liquidation et au paiement du rappel de rémunération dû à Mme Y... au titre de la nouvelle bonification indiciaire.
Article 3 : L'Etat versera à Mme Y... une somme de cinq mille francs (5 000 francs) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme Y... est rejeté.
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