Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème Chambre, du 28 mars 2006, 03VE04291, mentionné aux tables du recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour Mme Françoise X, demeurant ... en République fédérale d'Allemagne, par Me Jean-Louis Feuerbach, avocat au barreau de Strasbourg ;

Vu la requête, enregistrée le 14 novembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102914 en date du 16 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a refusé de la promouvoir au 11° échelon de son grade de professeur des écoles ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui accorder la promotion recherchée et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser, en réparation du préjudice causé par le refus de promotion, la somme de 2 469,67 euros avec intérêts de droit et capitalisation de ces intérêts ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés dans la présente instance sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'elle n'a pas reçu communication avant l'audience des conclusions du commissaire du gouvernement, en méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article R. 731-3 du code de justice administrative ; que sa demande de première instance était recevable, contrairement à ce que soutient le ministre ; que le recteur de l'académie de Versailles était compétent pour accorder la promotion d'échelon ; qu'elle remplissait les conditions pour bénéficier de la promotion sollicitée ; que la règle limitant la promotion à 30% des inscrits sur une liste n'est pas applicable à un agent détaché en Allemagne ; que cette règle, non prévue par le statut, est discriminatoire et méconnaît l'article 14 de la convention européenne ; que compte tenu de son incidence financière, le refus de promotion porte atteinte au droit de propriété et méconnaît l'article 1 § 1 du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme ; qu'en l'absence d'autre fondement juridique la décision de refus est entachée d'erreur de droit ; que les mérites de la requérante n'étant pas contestés, l'avancement constitue un droit non contingenté ; qu'elle a droit à la réparation du préjudice financier subi et à la promotion au 11° échelon de son grade, ainsi qu'au calcul de sa pension de retraite par référence à cet échelon ainsi qu'au remboursement du manque à gagner à hauteur de 1 350 F par mois sur un an, soit 16 200 F ou 2 469,67 euros, outre les intérêts et les intérêts capitalisés ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 90-680 du 1er août 1990 portant statut particulier du corps des professeurs des écoles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2006 :

- le rapport de M. Evrard, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de la demande de première instance :

Considérant que Mme X, professeur des écoles de 10° échelon, admise à la retraite à compter du 2 septembre 1998, a demandé au recteur de l'académie de Versailles, le 1er février 2001, d'une part le bénéfice d'une promotion au grand choix au 11° échelon de son grade à compter du 1er septembre 1998, d'autre part, la reconstitution de sa carrière à compter de cette date et, enfin, la réparation du préjudice causé par le refus de promotion sollicitée ; qu'elle se pourvoit en appel contre le jugement du Tribunal administratif de Versailles qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle l'administration a rejeté ses demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il appartient au commissaire du gouvernement, saisi par une partie d'une demande en ce sens, d'indiquer à cette partie le sens général des conclusions qu'il compte prononcer à l'audience avant le déroulement de celle-ci ; qu'en l'espèce il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'avocat de la requérante, qui avait saisi le commissaire du gouvernement d'une telle demande, n'a, ainsi que cela est soutenu, reçu de réponse de la part du commissaire qu'après l'audience au cours de laquelle la requête de Mme X a été examinée ; que, par suite, le jugement attaqué ne saurait être regardé comme ayant méconnu les principes généraux qui gouvernent la procédure devant les juridictions administratives, non plus que, pour la partie du litige susceptible d'entrer dans leur champ d'application, les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier ;

Sur la légalité de la décision implicite rejetant la demande de promotion au grand choix :

Considérant qu'aux termes de l'article 56 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 : « L'avancement des fonctionnaires comprend l'avancement d'échelon et l'avancement de grade » et qu'aux termes de l'article 57 de la même loi : « L'avancement d'échelon a lieu de façon continue d'un échelon à l'échelon immédiatement supérieur. Il est fonction à la fois de l'ancienneté et de la valeur professionnelle des fonctionnaires, telle qu'elle est définie à l'article 17 du titre Ier du statut général. Il se traduit par une augmentation de traitement. » ; qu'aux termes de l'article 24 du décret susvisé du 1er août 1990 : « L'avancement d'échelon des professeurs des écoles de classe normale a lieu partie au grand choix, partie au choix, partie à l'ancienneté. (…) Les intéressés sont promus au grand choix ou au choix après inscription sur une liste établie dans chaque département pour chaque année scolaire. Le nombre des promotions au grand choix et celui des promotions au choix ne peut excéder respectivement 30 p. 100 et cinq septièmes de l'effectif des professeurs inscrits sur la liste correspondante. Les professeurs des écoles qui ne bénéficient pas d'une promotion au grand choix ou au choix sont promus lorsqu'ils justifient de la durée de services prévue pour l'avancement à l'ancienneté. » ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions que les professeurs des écoles ne détiennent aucun droit à l'avancement d'échelon au grand choix mais peuvent bénéficier de cet avancement, sur décision de l'autorité compétente, lorsque leur ancienneté et leur valeur professionnelle ont permis leur inscription sur une liste d'avancement ; que si Mme X fait valoir qu'elle détenait dans le 10° échelon de son grade une ancienneté lui permettant de bénéficier d'un avancement au grand choix au 11° échelon et qu'elle était seule à remplir ces conditions, elle n'établit pas qu'en refusant de l'inscrire sur la liste d'avancement l'autorité ministérielle ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en second lieu, qu'en prévoyant que l'avancement d'échelon des professeurs des écoles a lieu au grand choix ou au choix ou à l'ancienneté et que les promotions au grand choix ne peuvent excéder 30 p.100 de l'effectif des professeurs remplissant les conditions pour bénéficier de cet avancement d'échelon, les dispositions statutaires n'ont pas méconnu le principe d'égalité entre agents appartenant au même corps et n'ont institué aucune discrimination selon la résidence ou la situation de détachement des agents concernés ; que, par suite, l'autorité ministérielle n'a commis aucune erreur de droit en appliquant ces dispositions statutaires à la requérante placée en position de détachement auprès du ministère de la défense pour exercer ses fonctions d'enseignement auprès du commandement des forces françaises en Allemagne et n'a, en tout état de cause, méconnu ni les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du premier protocole additionnel à cette convention ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant que la requérante n'établissant pas que la décision en litige est entachée d'illégalité, ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à en réparer les conséquences dommageables doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur les autres conclusions :

Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions de la requérante n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de promouvoir la requérante au 11° échelon de son grade au 1° septembre 1998 et de reconstituer sa carrière doivent être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante soit condamné à verser à la requérante la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

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N° 03VE04291




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