Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre , 10/11/2011, 11PA01681, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2011, présentée pour M. Milko A, demeurant ..., par Me David ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100674/12-1 du 8 février 2001 par laquelle le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - H.A.L.D.E. - a rejeté sa demande d'examen complémentaire à la suite de la lettre du 28 juillet 2010 de la même autorité refusant de donner une suite favorable à sa réclamation relative à une discrimination dont il estime avoir été victime dans son environnement professionnel ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision implicite de rejet ;

3°) d'enjoindre à la H.A.L.D.E. de procéder au réexamen de sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la H.A.L.D.E. la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;

Vu le décret n° 2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot, rapporteur,

- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,

- et les observations de Me David pour M. A et de Me Crusoe pour l'association Ban public ;

Considérant que M. A a, le 3 mai 2010, saisi la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité d'une réclamation au motif qu'il était, dans le cadre de son activité professionnelle, victime de discriminations de la part de son employeur, l'association Sidaction, tant en raison de ses activités syndicales que de son passé judiciaire ; que, par deux courriers en date des 30 juin et 8 juillet 2010, M. A a complété sa réclamation en y apportant des éléments complémentaires conformément à la demande de la haute autorité du 8 juin 2010 ; que, toutefois, par une lettre du 28 juillet 2010, la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité indiquait à l'intéressé que sa réclamation ne comportait pas d'éléments précis permettant d'établir un lien entre la situation qu'il évoquait et un des critères de discrimination prohibés par la loi et la rejetait ; que, par un courrier daté du 17 septembre 2010, M. A sollicitait un nouvel examen de sa réclamation pour faits de discrimination ; que la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, ayant gardé le silence sur cette demande pendant plus de deux mois, doit être regardée comme l'ayant implicitement rejetée ; que M. A relève appel de l'ordonnance du 8 février 2011 par laquelle le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable par application des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ;

Sur la recevabilité de l'intervention de l'association Ban public :

Considérant que l'association Ban public qui a pour but, d'une part, de favoriser la communication sur les problématiques de l'incarcération et de la détention et l'aide à la réintégration des personnes incarcérées et, d'autre part, de développer par tous moyens des actions visant à garantir le droit des personnes notamment par l'utilisation de son droit d'ester en justice pour la sauvegarde des intérêts essentiels de la personne détenue et des personnes ayant fait l'objet d'une condamnation, a intérêt à l'annulation de la décision implicite par laquelle la H.A.L.D.E. a refusé de donner une suite favorable à la réclamation de M. A relative à une discrimination dont il estime avoir été victime dans son environnement professionnel ; qu'ainsi, son intervention, au soutien des conclusions de la requête de M. A, est recevable ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M. A, l'ordonnance attaquée qui se fonde sur les dispositions des articles 1er, 4, 5, 11 et 11-1 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la H.A.L.D.E. pour justifier que le refus de donner suite à la plainte qu'il avait déposée devant elle est suffisamment motivée ; que, dans ces circonstances, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance contestée est entachée d'irrégularité ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / [...] ; / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / [...] " ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la H.A.L.D.E. : " Il est institué une autorité administrative indépendante dénommée haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. / La haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 4 de la même loi : " Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 5 de cette loi : " La haute autorité recueille toute information sur les faits portés à sa connaissance " ; qu'enfin, en vertu des articles 5, 11 et 11-1 de cette loi, la haute autorité peut, respectivement, procéder à une médiation, formuler des " recommandations " tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement ou proposer une transaction pénale ; qu'aux termes de l'article 9 de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 : " 1. Les États membres veillent à ce que des procédures judiciaires et/ou administratives, y compris, lorsqu'ils l'estiment approprié, des procédures de conciliation, visant à faire respecter les obligations découlant de la présente directive soient accessibles à toutes les personnes qui s'estiment lésées par le non-respect à leur égard du principe de l'égalité de traitement, même après que les relations dans lesquelles la discrimination est présumée s'être produite se sont terminées. / [...] " ;

Considérant, que, pour rejeter la demande de M. A sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président du Tribunal administratif de Paris a estimé que la réponse par laquelle la H.A.L.D.E. refusait de donner suite à une réclamation ne constituait pas une décision faisant grief susceptible de recours pour excès de pouvoir et que les conclusions qu'il avait présentées et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle la H.A.L.D.E. aurait refusé de donner suite à sa demande d'examen complémentaire n'étaient pas recevables ; que, d'une part, contrairement à ce que soutient M. A, le refus implicite par lequel la H.A.L.D.E. a refusé, après avoir obtenu de l'intéressé des éléments supplémentaires à l'étude de sa demande, de donner suite à sa réclamation relative à des discriminations dont il estime avoir été victime dans le cadre de son activité professionnelle n'est pas, ainsi que l'a jugé le président du Tribunal administratif de Paris, de nature à modifier sa situation juridique et, par suite, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, d'autre part, il est constant que M. A, en saisissant la H.A.L.D.E., a eu accès à une procédure administrative visant à faire respecter le principe d'égalité de traitement ; que, contrairement à ce qu'il soutient, il ne résulte pas de l'article 9 de la directive sus - rappelée du 27 novembre 2000 qu'un contrôle juridictionnel doive systématiquement être organisé à l'encontre des décisions rendues par la H.A.L.D.E. ; qu'en tout état de cause, le refus que lui a opposé la haute autorité n'a pas eu pour effet de le priver de la possibilité de saisir le juge judiciaire d'une contestation portant sur les faits de discrimination dont il se prétend être la victime de la part de son employeur ; que, dès lors, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'irrégularité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, également, de rejeter les mêmes conclusions du défenseur des droits ;

D E C I D E
Article 1er : L'intervention de l'association Ban public est admise.
Article 2 : La requête de M. A est rejetée.
Article 3 : Les conclusions du défenseur des droits tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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